Dépenses et chinoiseries

65 jours, 2000km en vélo, 3000 en train, 800 en bateau, sans pour autant devenir bridés, nous voici assez connaisseurs de la vie en Chine pour vous écrire un petit topo. Bouffe, plumard, carriole, vendeurs d’air et wagons bondés, nous passons en revue les prix au pays du grand timonier.

moi pluie

Pour le taux entre le ¥ et l’€, c’est autour de 8,8. En piètres gestionnaires, on a tendance à diviser par 10 pour nos calculs.

Principal objet de mes préoccupations depuis de nombreuses années, la graille reprend ses aises depuis la Mongolie et la fin de notre cure « riz blanc et niaiseries infâmes » qui nous fut imposée par le choix et les indécences tarifaires rencontrés. Et quand je parle d’aises, c’est non seulement parce la viande reprend un peu le dessus sur les sauces Tricatel mais aussi parce que le réchaud est bien calé au fond du sac, entre les chaussettes humides et le matelas, pendant que nous commandons nos plats au taulier. Bref, on a le droit, et pour pas cher à mon avis ! dirait Pignon.

Au Nord de la Chine, un repas coûte environ 2-3 €/pers., sachant que des boules de  »pain » blanc fade remplacent dans certains cas le riz. Au Sud, l’approvisionnement en riz est forcément plus conséquent puisque vous vivez dans les rizières et le repas est souvent à moins de 2€ (notre record a du se situer sous les 1€ par personne) mais n’y voyez pas là une relation de cause à effet. Il est d’autre part bien entendu que ces prix se pratiquent dans les établissements aux tables qui collent, entre deux chaises moisies et une nuée de crasse sur le ventilateur tournoyant au-dessus de nos caboches. Le type de boutiques qui se repère assez facilement par son mobilier orange, les vapeurs qui s’en échappent et surtout, la couleur des murs. Évidemment, c’est pittoresque, amusant, mais un retour aux valeurs occidentales s’impose parfois et c’est là que les menus Big Mac ou KFC aux envions de 3-4 € font leur come-back parmi nos sucs gastriques en manque de glutamate. Notons que le prix d’un repas traditionnel à Shanghai, ville plus occidentale et donc plus chère, est souvent plus couteux qu’un de ces menus tout prêt.
À un autre niveau, vous pouvez toujours trouver dans les grosses agglomérations, ces enseignes un poil plus chic pour manger chinois mais pour notre part, cela ne nous apporte franchement rien de plus (si ce n’est moins niveau grisbi). Là vous trouverez des repas à tous budgets, de 5-6€ à très cher. Cependant, si vous vagabondez un peu dans les campagnes, mieux vaut vous faire l’estomac rapidement aux bouis-bouis crasseux.

resto

Oui, c'est bien une patte de poulet...

Quelques petites anecdotes rencontrées régulièrement au resto : le serveur se pointe, vous donne la carte et reste planté devant votre table crayon à la main, le regard scotché aux nôtres, guettant une réponse spontanée de notre part sans qu’on ait eu le temps de parcourir le choix proposé (oui, rarement, on a droit à des photos sur les menus). Autant vous dire que c’est une galère sans nom pour lui faire comprendre qu’il faut nous laisser 30 secondes de réflexion… Mais ce n’est rien comparée à celle qui nous attend. Car le clampin note (ou pas d’ailleurs) la commande, revient nous demander deux fois ce qu’on a pris, un autre vient pour confirmer, c’est le boxon, on redemande le riz oublié, y a pas le bon nombre de plats, une pagaille pas possible pour un truc tout con. Enfin, ça reste marrant.

Beaucoup de vendeurs de rues, font frire des petites brochettes qui valent entre 1 et 2¥ chacune. C’est très bon mais ça ne nourrit pas beaucoup. Toujours demander combien avant, l’oubli double ou triple le prix rapidement. Et ne pas hésiter à partir quand on sent que le vendeur nous prend pour une prune en préparant la boisson ou la brochette sans annoncer son prix et nous la tend sous le pif. C’est pas tant pour le prix que pour le principe.

Dans le même genre que l’alimentation, nos tentes sont bien rangées dans leur étui depuis Datong et la découverte, non seulement des auberges de jeunesse à pas cher (mon fils rajouteront certains), mais des hôtels, chambre double, clim, TV, internet et SDB privée pour le même prix… Avec l’habitude on voit assez rapidement à la devanture et l’aménagement intérieur quelle sera la fourchette de prix pratiquée quoiqu’on puisse parfois tomber sur des surprises. Les hôtels que nous choisissons oscillent entre 70 (record à ce jour) à 150¥ pour la chambre double mais les commodités évoquées ci-dessus varient aussi, pas toujours dans le sens qu’on pense. Question tarot, il ne faut pas hésiter à demander les prix même quand il est affiché 900¥ pour la chambre, c’est juste… du n’importe quoi en barres chocolatées. Le vrai prix peut très bien tourné à 80¥…

hotel wannian

Ça, c'est 100¥, notre record en terme de place

On rencontre aussi dans certaines villes (Pingxian par exemple, pas touristique pour un sou) deux colonnes à la réception. La première affiche les prix ordinaires, la seconde le discount du jour avec une division par 6 à 10, assez drôle. À Pingxian justement, voyant les prix ridicules pratiqués, nous choisissons d’abord la suite royale à 180¥, déjà pleine, pour nous retrancher sur la Double Deluxe Room Superior (ça en jette hein?) à 150¥. Ah effectivement c’est spacieux. Surtout pour les nombreux cafards d’un pouce.
Pour réserver la chambre, ils demandent régulièrement nos passeports, scannent les visas et, sans doute, nous enregistrent auprès des autorités. Sauf quand ils ne savent pas faire faute de recevoir des touristes habituellement. Ce qui fait que nous voyageons depuis notre première semaine avec le risque de prendre une prune à 500¥ chacun pour faute d’enregistrement sous 10 jours…
Ça a bien sûr été pris en compte dans notre réflexion au moment d’annuler la petite boucle Corée-Japon où nous aurions été obligés de payer pour obtenir la double entrée.

Dans les chambres, nous avons droit une fois sur deux aux fameux chiottes à la turc. Vous aimez ça vous ces machins inconfortables, le bronze aux chevilles? Non hein? Nous non plus, pas grand monde d’ailleurs, à se demander s’il ne faudrait pas intenter une action en justice contre les Turcs à ce niveau là. Mais les Chinetoques, eux c’est différent, parce que les toilettes comme on aime, ils savent pas s’en servir. Ils montent dessus et font… enfin vous aurez compris. La preuve en image :

WC chongqing

Le train, de Pékin à Shanghai (avec une parenthèse sur l’eau) puisqu’il fallait bien avancer, nous aura appris que la réservation d’un billet de train et le voyage, n’a rien d’une sinécure.

Ça non plus, ce n'était pas une sinécure...

Ça non plus, ce n'était pas une sinécure...

L’arrivée à la gare vous donne en principe un bon aperçu des obstacles à surmonter : 20 files d’attentes longue comme la gare et les locaux qui tentent par tous les moyens de filer en douce directement vers la guichetière pour obtenir le sésame. Autant dire que devant le guichet mieux vaut avoir toutes les infos à fournir pour ne pas partir bredouille, ou avec le mauvais ticket. Avec l’habitude, on finit par préparer un petit papier avec le nom des gares et l’heure de départ et d’arrivée plus le numéro du train et surtout quelle catégorie vous souhaitez. Tout ça en sinogramme, évidemment. Bon malgré ces efforts, il arrive encore que le préposé se vautre et nous n’arrivons de toutes façons jamais à obtenir mieux qu’un siège inconfortable pour dormir. Un Allemand nous a dit avoir obtenu une couchette après avoir essuyé un premier refus à un autre guichet…
Dans tous les cas, bien vérifier son billet, logique vous me direz et voici à quoi ça ressemble :

billet train

Train K1002, de X’ian à Chongqing, wagon 4, place 87.

Au passage, sans billet, vous ne pouvez pas entrer dans la gare (les guichets d’achats sont séparés). Et vous passerez au moins par 4 check-points (entrée de la gare, sortie de la salle d’attente, entrée dans le train, à bord du train)+un passage des bagages au scanner. Impossible de frauder. À bord, vous aurez aussi l’occasion d’acheter des ceintures ou brosses à dents vendues par le personnel tels de vrais commerciaux à la com’. J’ai proposé 200¥ pour sa chemise mais il a pas voulu… La classe une chemise de contrôleur chinois!

Niveau prix, voilà ce que nous avons obtenu pour les différents trajets :
Datong – Pékin (hard seat, donc debout) : 54¥ pour 300km – 0,18¥/km
Pékin – X’ian (soft seat) : 158¥ pour 1000km – 0,158¥/km
X’ian – Chongqing (soft seat) : 103¥ pour 600km 0,177¥/km
Wuhan – Shanghai (soft seat et train classe et spacieux grande vitesse) : 265¥ pour 700km – 0,38¥/km (en gros le prix du TGV en preums, pour un ticket pris à la dernière minute)

Le bateau, nous l’avons déjà évoqué dans cet article, mais pour rappel :
600km pour 450¥. Mais là c’est couchette, en cabine de 8 personnes.

Autre moyen de transport : les taxis. En général, les 3 premiers km coûtent 8¥ et c’est environ 1,5¥ le km supplémentaire. Les prix augmentent de 50% la nuit et varient un peu entre les villes (plus cher à Shanghai, as usual). Ne pas oublier d’indiquer au chauffeur de mettre le compteur en route. Ils oublient parfois, volontairement ou non… on ne sait pas , mais dans le doute, mieux vaut s’entendre tout de suite que de l’entendre annoncer son prix à l’arrivée.
Les pousse-pousse(?) (à pédales ou à moteur), les prix se négocient au départ en l’absence de compteur. On ne les a pas souvent utilisés mais leurs prix se divisent facilement par deux.

À l’heure où j’écris ces lignes, la France vient de perdre brillamment la finale de la coupe du monde et c’est l’anniversaire d’un de nos cousins bredins, alors 生日快乐

Ciao!

ciao




Les tubercules de Yangshuo

Il nous reste un mois à passer en Chine, le dernier tiers. Après notre petit périple à vélo jusqu’à Zhuzhou il était évident que nous devions prendre le train de nouveau si nous voulions avoir le temps de faire ce que nous avions prévu. On a également légèrement modifié notre itinéraire. Nous voulions passer par Baise, une ville chinoise, et en profiter pour faire un nouveau reportage à la con autour de ce nom sulfureux. Il n’en sera point, tant pis.

Les vélos ont donc retrouvé leur sac une fois de plus pour un voyage en train jusqu’à Guilin, ville proche de Yangshuo, notre destination, où Google nous a promis de bien beaux paysages. Ce malicieux moteur de recherche n’a pas menti, ça envoie du gros steack par ici.

Yangshuo, Chine

Yangshuo est bien connue pour ses montagnes karstiques au milieu desquelles serpentent la rivière Li. C’est en gros une grande plaine parsemée de rizières sur laquelle sont plantés de gros tubercules montagneux blindés de bambous. Double avantage pour nous cyclistes : on en prend plein les mirettes et surtout c’est globalement assez plat ! Inutile de préciser que profiter de paysages vallonnés sans se déglinguer les cuisses est un luxe non négligeable. Accessoirement les véhicules klaxonnent beaucoup moins que d’habitude dans cette région et c’est un immense soulagement.

Yangshuo

Nous partons donc à l’aube midi, comme d’habitude, en direction d’un village de pêcheurs nommé Liu Gong. On cherche les pêcheurs… Niet. En revanche les bateaux de touristes ne manquent pas. Le prix doublé du Coca nous rappelle que ce foutu village doit être dans tous les LonelyPlanet et Routard. En revanche ce coquinou de Google ne nous a pas signalé que la partie la plus intéressante se trouve Après Liu Gong, ce qui tombe plutôt bien étant donné que nous nous dirigeons dans un bled plus lointain pour le lendemain. Nous continuons notre petit périple parmi les rizières où les locaux nous seront d’une grande aide pour nous indiquer quel chemin de terre emprunter. Il est 17h, le soleil commence à descendre à l’horizon, jouant avec les montagnes en projetant de belles ombres sur la plaine. Les couleurs se réchauffent et l’appareil photo aussi. Chaque vue vaut sa carte postale ou un mois du calendrier PTT si vous préférez. Cette région fait partie du top 3 de ce que nous avons vu jusqu’à présent, aux côtés des paysages mongoles et de la muraille de Chine.

Yangshuo, Chine

On fini par trouver un pont pour regagner la route principale, blancs de poussière soulevée par les camions et nous pédalons jusqu’à Gongcheng où nous passons la nuit. 70 rmb la chambre double, notre record.

Environs de LiuGong et Yangshuo

De là nous n’avons plus qu’une dizaine de kilomètres pour atteindre Ping’an et voir les fameuses rizières en terrasse (également dans le calendrier PTT). Malgré que ce soit apparemment un site connu, nul panneau n’indique la direction, nous obligeant à harceler un chinois tous les 200m. Nous restons bredouilles après 2 heures à tourner dans et autour du fameux village. Aucune rizière, seulement des arbres fruitiers. Un dessin improvisé de rizières en terrasse ne nous aidera pas plus à nous faire comprendre des locaux. Ces sacrés farceurs le tournent dans tous les sens et vont même jusqu’à explorer les autres pages du Moleskine, façon de dire « c’est quoi c’dessin à la con ? ». Greg tente un « Mifaa mifaa » (riz, riz), une vieille l’invite à prendre le thé. Échec.

Ping'anxiang

Le fin mot de l’histoire c’est qu’on s’est planté de Ping’an.




J’ai envie de dire Youpi

Hier soir nous fêtions deux choses : 5000 km parcourus à vélo et nos premiers 1000 km (toujours à vélo) d’affilée, c’est à dire sans interruption de train, stop ou poney. Certes ça ne représente qu’un huitième de tour du monde, mais on a pas acheté des vélos pliants pour des prunes ! C’est l’heure d’un petit bilan .

5000 km

Après avoir passé plus de 260 heures sur une selle on se doute que certaines choses ont changé depuis notre magnifique départ de France (4 heures de sommeil, 110 km à faire), non entraînés et à vrai dire, pas cyclistes pour deux ronds. La principale est de toute évidence le Bronzage du Cycliste avec cette belle démarcation rose / marron bien nette de la cuisse due aux actions cumulées du soleil et du short. Vous pouvez l’admirer dans cette vidéo. Il faut être gentil et tout regarder. On aime, on aime pas, on a pas le choix. La seconde est la cuisse en elle même. Heu ouais, ça muscle grave de pédaler 5 heures par jour.

Greg

Passons donc sur nos nouveaux corps d’esthètes que l’on affectionne avec amour. Notre quotidien aussi a changé. Jusqu’en Chine nous avions pour habitude de camper régulièrement (à part dans les villes), manger du riz blanc cuit à la popote midi et soir, nous laver dans des rivières ou pas du tout et changer de chaussettes une fois par semaine. Fini la misère ! La Chine et sa vie cheap nous font aujourd’hui préférer les hôtels à 100rmb où on lave régulièrement nos nippes au savon et les restos à 2 euros. Histoire de ne pas être traumatisés par tant de changement, on continue à manger du riz blanc au resto et Greg dort sur le paillasson.

Tant de temps sur un vélo c’est aussi l’occasion de maudire les fabricants de selles de vélo. Pour une invention qui a 300 ans, peut être même plus, la selle est sans doute le seul élément qui n’a jamais été amélioré. On était pourtant confiants et prévoyants avec des tiges de selle articulées (un ressort) et des selles « Ergogel ». Greg a même une surcouche gélatineuse par dessus. Malgré ça on redoute tous les jours la quatrième heure de pédalage où la selle n’est plus qu’une planche cloutée qui nous oblige à nous mettre debout sur les pédales dans les descentes… La misère du cycliste c’est pas les côtes ni la pluie ou le vent, c’est bien le cul talé !

Enfin c’est quand même fun le vélo, les cheveux aux vents (le vrai et celui des camions en contre-sens), les klaxons chinois (des camions toujours) et leur conduite « approximative ».

Il y a aussi des choses qui ne changent pas, comme LE NOMBRE DE VISITEURS SUR CE SITE ! Alors on se magne à partager tout ça et en selle !

Buffles