Chronologie de nos vagabondages

6h00-7h00 : réveil. Il fait froid, le givre est encore solidement posé sur nos toiles de tente et il est à peu près hors de question d’en sortir pour le moment. On sort alternativement le bras gauche ou droit pour tenir le livre électronique.

8h00 : il est temps de se préparer. À ce moment là, soit les premiers rayons de soleil ont commencé à percer les nuages, soit la pluie ne s’arrêtera pas et il faut bien se motiver à déjeuner. On enfile d’abord le pantalon froid et humide puis les chaussettes et chaussures. Nous trempons alors des tartines de miel (délicieux en Nouvelle-Zélande) dans une popote de thé/café qui nous réchauffe parfois difficilement. Le déjeuner et le pliage de nos affaires prend environ deux heures sans se presser. C’est en principe le moment ou un local vient nous voir en expliquant que nous ne pouvons pas camper là (ou parfois nous offrir le café, c’est plus rare), avec les menaces d’amendes associées. Ce n’est souvent pas dit méchamment mais il est toujours intéressant de noter le lien pour un anglo-saxon entre ce qui est illégal et ce qui est possible.

-Vous ne pouvez pas camper ici.
-Pourquoi?
-Parce que c’est illégal!
(Ah, ça va alors)

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9h50 Étirements.

10h00 : le départ. On planifie toujours environ 70-80km de route, sans trop se soucier du dénivelé. À ce moment là, tout ce qui importe est ce réflexe gaulois consistant à parier si le ciel tombera ou non sur nos têtes. Dans un pays où il est fréquent de rencontrer les 4 saisons dans une seule journée, c’est inutile mais on s’occupe comme on peut…
Sur le vélo, diverses activités s’entremêlent : un peu de musique, des leçons Pimsleur d’Espagnol pour préparer nos prochaines destinations, changer de position sur la selle, avoir des pensées profondes sur le plat et débiter des généralités dans les montées.

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10h30 Il pleut. Nous sortons les vestes, les pantalons de pluie, les sacs plastiques pour étanchéifier les mains et les pieds.

10h40 On transpire comme des veaux sous cet attirail.

10h45 Il fait beau. On enlève tout.

12h00-13h00 : On s’arrête manger sur un coin d’herbe. Une popote de riz agrémenté de cheddar et d’une conserve de soupe pour la sauce. Heureusement qu’on peut varier les saveurs de soupe parce que le riz deux mois de suite…

13h15 Arrêt courses au supermarché du coin. On essaye de prendre entre 2 et 3 jours de graille sur nous pour éviter l’assassinat pécuniaire des petits villages.

14h30 : une voiture de police nous arrête. C’est du classique puisque nous n’avons pas de casque. Les 5 autres de la journée n’ont rien dit mais celui-ci devait s’ennuyer. On tombe sur tout : le jeune tout seul qui se demande comment il est possible que personne ne nous ait arrêté avant (c’est notre version) et qui ne sait vraiment pas quoi faire, le jeune qui sort de l’école et nous récite son bouquin gestes à l’appui, l’habitué qui comprend vite qu’on en a rien à cirer et qu’il perd son temps. Les premières fois, nous jouions la surprise, la découverte de la loi, etc. Aujourd’hui un léger sourire se lit sur nos visages. Bref, nous promettons toujours bien fort d’acheter un casque à la prochaine agglomération.
C’est souvent un peu plus difficile de s’en débarrasser quand ils sont deux. On a droit à un gyrophare par semaine en moyenne.
On peut quand même constater que, contrairement en Australie, la police semble globalement se désintéresser de nous, nos casques et nos campings illégaux. Comparaison que nous pouvons également étendre par généralité assumée aux populations Néo-Z’ et Australiennes.

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15h47 Pluie, vestes, pantalons, sacs.

16h22 Soleil.

16h30 Plein d’eau à la station essence si nous n’avons pas trouvé de rivière suffisamment claire avant.

17h00 Nous stoppons après avoir trouvé un coin d’herbe adéquat. S’il y a une table, c’est mieux. Pour la douche, on repassera dans quelques semaines. Après le montage des tentes, quelques parties d’échecs précèdent le dîner composé de… riz, cheddar, soupe, miel.

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19h00-20h00 Au lit, on change nos vêtements avant de se faufiler dans les sacs et nous alternons bras gauche, bras droit, ebook.
Les cheveux gras sont rapidement oubliés et nous ne faisons pas long feu dans notre cocon.




L’arrogance administrative française s’exporte bien

Mardi 5 août 2014, Ambassade française de Wellington, Nouvelle-Zélande.

Présents à 10h15 pour notre rendez-vous de 10h30, nous n’avons pas été surpris d’être reçus à plus de 11h. C’est même un moindre mal pour une administration. La demande de renouvellement de notre passeport ne sera qu’une simple formalité administrative. Du moment que l’on suit bien toutes les consignes des Cerfa, tout se passe généralement bien. Généralement.

C’est aussi ce qu’a dû penser un ressortissant indien qui avait fait le voyage de Christchurch à Wellington, 600km, 200$ minimum d’avion aller-retour, avec son amie (400$ donc) spécialement pour sa demande de visa (car il faut se rendre sur place…). Ses vacances étaient planifiées, son tour booké, il avait préalablement téléphoner pour confirmer que tout était en règle avec ses documents. Ne lui manquait plus que le précieux sésame qui lui sera délivré rapidement par un personnel dévoué à offrir un service impeccable à leurs clients usagers.

Couac.

Nous ne prêtons d’abord pas attention au dialogue mais le niveau d’anglais catastrophique du préposé aux visas nous fait rapidement tendre l’oreille. Derrière son guichet, l’agent tente de communiquer avec un Indien à l’anglais fluent. Les mots sortent difficilement, et rentrent très peu. « Do you understand? » « No »
N’étant pas doué pour les langues, je ne peux pas trop me vanter mais je ne travaille pas dans une ambassade à l’étranger et mes clients Australiens avaient toujours le choix de ne pas me payer si mon travail ne leur convenait pas. Je pensais naïvement qu’un bon niveau d’anglais était requis pour ce genre de poste.

Revenons à l’objet d’une discussion animée. Tous les documents avaient été réunis, le passeport était valide, deux pages vierges étaient bien présentes, pas de casier judiciaire. Tout roule. Mais, l’agent refuse de prendre en charge le dossier, la responsabilité fut trop grande à supporter : les deux pages vierges du passeport n’étaient pas face à face (c’est le couac susmentionné). Stupeur de notre Indien! « J’ai appelé vos services, j’ai lu votre site internet, rien n’indique que les deux pages doivent figurer face à face« . Le dossier passe d’un côté à l’autre de la vitre plusieurs fois, rien à faire, pour le personnel de l’ambassade « les règles sont claires ». Oui, mais où?

À l’heure où j’écris ces lignes, les versions anglaises ne sont pas disponibles en ligne. En cache en revanche, on les retrouve très bien.

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« In order to print the visa, your passport must have a minimum of two blank pages »
« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications »

C’est clair non?

Le ton s’éternise et s’envenime logiquement, chacun campe sur ses positions, mais l’usager reste très calme. C’est admirable de rester si calme face à la bêtise. D’une part, ils ont fait la boulette et mettent dans l’embarras un individu qui n’y est pour rien, d’autre part les voyageurs savent bien que les tampons des douanes se posent et se superposent à foison un peu n’importe où et qu’avec un minimum de bonne volonté, tout était réglé dans la minute. Ils admettent bien à demi-mots qu’effectivement ce n’est indiqué nulle part mais bon, hein, quoi, flûte alors, il est pénible. Juste avant le déjeuner, ça coupe l’appétit.

« Who is responsible for that? Who talk to me at the phone? Is that you? I want to see the ambassador. »

L’administration passe la seconde.

Le pauvre agent ne pouvant se dépêtrer d’un dossier si épineux, un renfort de poids arrive pour régler la situation : madame le consul en personne. La tension monte encore d’un cran. On l’invite à demander un nouveau passeport pour être en règle mais son voyage est prévu pour dans trois semaines. Il aurait éventuellement pu si on l’avait prévenu par téléphone, à temps. Désespéré par ce mur, il ré-explique en vain sa situation, se plaint que ce n’est pas juste.
Réaction immédiate de notre consule : « It’s not fair?! But you have to grow up a bit! »

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Oui oui, en plus de ça, ils se permettent de se payer sa tronche. C’est marrant non? Je crois que mes nerfs auraient définitivement lâché à cette occasion. Lui a haussé la voix, a demandé le nom du consul qui n’a jamais voulu lui donner et a réclamé l’ambassadeur de plus belle. Mais on ne dérange pas son excellence pour des broutilles. Filez, vilains!
J’ai eu honte d’être Français.

Deux semaines ne suffiront pas pour refaire un beau passeport en règle et tous le savent. L’agent tente d’empapaouter l’intrus « vous pouvez demander un laisser-passer en urgence ». Sauf qu’on ne peut pas poser de visa sur un laisser-passer et l’agent finit par admettre qu’il le sait bien. Tentative échouée. C’eut été bien plus commode de le renvoyer chez lui et lui annoncer par téléphone la mauvaise nouvelle.

L’intrus n’étant pas décidé à partir, nos courageux travailleurs de l’ombre ont fait appel au service de sécurité. Un chauve est arrivé tambour battant pour éliminer le danger. Je crois que c’était le plus poli de la bande même s’il a rapidement adopté les arguments de son parti et conduit le récalcitrant dans le couloir. À son crédit, il a repoussé une piteuse tentative de ses collègues qui sont sortis sur le tard avec un papier où était inscrit l’histoire des « deux pages face à face« . « Mais c’était sur le site internet ça? Non. Donc on ne peut pas lui montrer ça maintenant. »

11h00, je rentre dans le bureau pour me faire scanner les pattes avant. La bonne humeur et la drôlerie m’entoure.
Un des comiques lance « Il ne lâche pas l’affaire, il ne part pas » (il avait décidé d’un sit-in dans le couloir en attendant l’ambassadeur)
La secrétaire qui s’occupait alors de moi, s’envole dans l’humour : « C’est comme les chiens »
J’explique poliment que je comprends la détresse du garçon, qu’il a traversé le pays et qu’à la base, ce n’est quand même pas de sa faute. On fait mine de ne pas avoir entendu.

Notre rendez-vous se termine, nous passons dans le couloir à côté du malheureux et lui proposons notre aide, en pensant qu’un mail à l’ambassadeur de la part de deux Français pourrait peut être débloquer la situation mais il refuse, ne veut surtout pas quitter les lieux. Le dénouement de l’intrigue, nous ne l’avons pas, mais une trame se dessine : il repartira avec son amie à Christchurch avec une amertume toute particulière envers les Français pendant que vos représentants à Wellington ont repris deux fois des pâtes au déjeuner.