Une semaine à San Pedro La Laguna

Nous arrivons à San Pedro la Laguna vers 18h, ville pavée comme nos vélos adorent et nous chopons le premier blanc de la ville pour lui demander où trouver du wifi. Direction un des nombreux cybercafés. Le Guatemala a une couverture internet impressionnante comparée à son niveau de développement économique : le moindre petit bled a son hôtel avec wifi. La ville est agréable, très marrante à circuler. Les petites ruelles sont parfois à peine praticables à pied, on se faufile littéralement entre les immeubles où il faut souvent s’arrêter pour laisser passer un autre piéton courageux. Aucune enseigne publicitaire classique, tout est peint, même les rappels à la loi. C’est une tendance qui s’est étendue dans quasi toute l’Amérique Centrale mais qui est très marquée ici. C’est assez sympa. Les cybers par exemple ont une jolie peinture avec les logos Firefox, Facebook ou Google.

DSC01797

L’église assure également sa promotion via la peinture. À chaque coin de rue des oeuvres géantes promettent l’enfer aux non croyants qui ont le choix entre 24 églises évangéliques et une église catholique (pour 15 000 habitants) pour trouver le salut.

P1410871

On ne compte plus les écoles d’espagnol. Tous les cent mètres, une école/hostel vous offre les meilleurs cours de la ville. Nous n’avons pas eu à choisir trop longtemps, nous avions pris la moins cher sur internet.
Nous tentons d’appeler l’école par Skype depuis un cyber, les micros ne marchent pas. Après quelques recherches, je tombe sur une petite boutique marquée « Se Alquila telefono » (on loue le téléphone). Comme quoi les vielles méthodes sont parfois les plus simples, et on réussit à joindre tout le monde pour 3 Quetzals (50 cents). Nous sommes dirigés vers notre école puis notre famille d’accueil. Nous avons pris une formule à 150$ (20$ de donation surprise se rajouteront au moment de payer, ça fait toujours plaisir d’être solidaire sous la contrainte) pour 4 heures de cours avec prof particulier pendant 5 jours, logement et nourriture inclus. C’est sans compter sur notre régime « ogre cycliste » qui nous oblige à manger aussi en dehors des repas grâce aux panaderias (boulangeries) locales. Eh oui! Il y a des boulangeries au Guatemala, on y trouve même parfois un rayon de « pan frances ». Bon, c’est pas vraiment ça mais c’est quand même génial tout ce qu’on peut faire avec du pain abordable (note aux boulangers : exportez-vous!)

Nous sommes hébergés chez Jose, Maria et leurs quatre enfants (de 2 à 12 ans). La maison est plutôt spartiate, et l’eau n’arrive du lac que les lundi, mercredi et samedi. Entre temps, on se sert des réserves. Ils semblent d’abord s’inquiéter de savoir si la chambre nous convient avant qu’on ne leur explique nos conditions de vie habituelles. Tout va bien, ils n’ont pas à rougir de leur habitation même si un minimum de bonne volonté améliorerait grandement la propriété. Ces gens semblent tous se contenter de ce qu’ils ont et passent des journées à ne rien faire si ce n’est se féliciter de leur mode de vie. Ils n’ont d’ailleurs aucune idée du monde en dehors de leur ville. On nous a successivement présenté avec fierté la pomme de terre, les tortillas, les avocats, les haricots comme si les occidentaux avaient l’habitude de se nourrir de croquettes.

DSC01811

P1410847

Lundi matin 8h, les cours commencent. Atmosphère détente, pas de programme précis même si le prof suit une espèce de ligne directrice qu’il adapte à notre niveau. On parle de participe passé puis de rugby, de gérondif et de bandits de la route. À 10h, pause casse-croûte. Cela dure presqu’une heure mais nous continuons de parler espagnol. Les cours se poursuivent ensuite jusqu’à midi et nous retournons prendre le déjeuner en famille.

Nous ne le savions pas avant de venir mais la ville est bardée de touristes chevelus qui donnent à la ville une espèce d’ambiance Woodstock végétarien. Nous nous tenons un peu à l’écart de tout ça, dans notre bulle. D’habitude, nous aimons bien rencontrer d’autres touristes dans les coins perdus. Si vous avez galéré comme un putois pour arriver à un point A et qu’un autre gringo a bien voulu se perdre tout autant que vous, il y a de grandes chances qu’une affinité se crée rapidement. Là, à part les cours d’espagnol, on a pas grand chose en commun avec les hordes de baba-cool descendus par vagues pour retrouver le paradis du saltimbanque. Les locaux semblent assez bien cohabiter avec tous ces touristes et restent souriants en toutes circonstances. Leur porte-monnaie en bénéficie aussi largement.

DSC01841

Le lac d’Atitlan est vraiment joli, souvent décrit par les voyageurs comme une des merveilles de leur voyage. Cerné par les montagnes et dominé par trois volcans, son niveau monte et descend au fil des séismes qui touchent le pays (ou selon un calendrier « magique » selon les Mayas, chacun son truc). On peut évidemment s’y baigner, même si l’eau est assez rafraîchissante à 1500mm d’altitude et que les locaux n’ont aucun mal à jeter toutes leurs saloperies dedans. Une fois de plus dans un pays sous-développé, ce ne sont pas les touristes qui polluent le plus, mais les locaux. Beaucoup prennent par exemple leur bain dans le lac et laissent systématiquement trainer les échantillons « Head & Shoulders » sur le rivage. Un soir, alors que nous abordions le problème de la pollution avec les responsables de notre école, ceux-ci cherchaient à dédouaner la population par quelques sauts rhétoriques mal venus. Par exemple, si vous achetez une canette de Coca-Cola et que vous la balancez comme un malpropre sur la chaussée, Coca-Cola serait en parti responsable. Et puis, ils ne savent pas comment gérer la problème des déchets plastiques car il n’existe pas de mot en Tzuturil pour « plastique ». Oui, oui, nous aussi avant d’inventer le mot on ne le connaissait pas. Dans tous les cas, ça n’empêche pas de voir que la rue est pleine d’immondices quand on agit comme un sagouin.

DSC01837

Pour le reste de la semaine, les progrès linguistiques ont été assez épatants pour seulement 5 jours de cours. Le fait d’avoir de bonnes bases avant d’arriver (45h de cours audio sur le vélo) a tout de même grandement aidé.

DSC01818

Ce genre d’expérience est aussi un des nombreux avantages de notre voyage. On peut se permettre de s’arrêter quand on veut pour une somme modique et améliorer nos compétences. Typiquement le type de connaissances que nous n’aurions probablement jamais acquis si nous n’étions pas partis. Quand la routine du boulot prend le dessus, on a toujours mieux à faire que d’apprendre une nouvelle langue ou lire 2 bouquins par semaine. Je remarquais il y a quelques semaines que nous nous parlions en français, que nous discutions avec les locaux en espagnol (+ les cours de ces derniers jours), nous écoutions des audio books en anglais sur les vélos et prenions des cours Pimsleur d’allemand pour l’un, russe pour l’autre, toujours en audio. Moi qui me suis toujours considéré comme une grosse quiche en langues, j’ai fait quelques menus progrès. Des progrès que je jugeais impossible il y a quatre ans ne sont aujourd’hui qu’une base pour en apprendre toujours plus. Partir permet de découvrir de nouvelles cultures mais aussi de s’aérer l’esprit, le préparer à d’autres défis, voir plus loin. Pour nous c’est clair, le voyage nous a permis de progresser physiquement, intellectuellement et mentalement. Le sport fait parti de notre quotidien et on s’en passe difficilement. Chaque arrêt est l’occasion de remarquer à quel point notre corps demande à repédaler. La tête est parfois un peu réluctante. Le mental, on aura l’occasion d’en reparler.