Pourquoi ne pas prendre le ferry entre le Panama et la Colombie

J’ai tenté l’expérience et je la déconseille grandement pour plusieurs raisons que je vais développer. Mais avant tout, faisons un rapide point sur la situation de la région.

Il y a quelques semaines, nous avons eu la fâcheuse surprise de découvrir que le Panama ne possède pas de frontière terrestre avec la Colombie. Par frontière terrestre j’entends une route qui permet de se rendre dans l’autre pays en se faisant apposer un tampon par le préposé de service. Au lieu de ça, on y trouve le « Darien Gap » : une région montagneuse peuplée de guérilleros, narco-trafiquants et autres joyeusetés que nous ne sommes pas pressés de connaître. Certains tentent la traversée en trek, « ils ont eu des problèmes! » comme dirait l’autre. Une part non négligeable y laisse des plumes, permettant de renommer cette région en « Darwin Gap » sur le modèle des « Darwin Awards ». Avant le mois de novembre dernier, il existait donc la solution de l’avion depuis Panama City jusqu’en Colombie ou la traversée touristique en voilier à plus de 500$. Depuis, une liaison en ferry a été ouverte entre la ville panaméenne de Colon et celle colombienne de Cartagène grâce à un bateau acheminé depuis l’Adriatique. Le billet le moins cher est de 99$, celui en cabine de base à 125$. Soit le prix du billet d’avion entre Panama et Bogota. On voit donc déjà difficilement l’avantage puisqu’il faut en plus de ça se rendre à Colon à 100km de Panama City.

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C’est encore pire quand on connaît les pratiques de la compagnie « Ferry Xpress ». Leur site internet évoque premièrement un prix de 75$ par vélo sur le ferry. Merde, plus cher que par avion! Je ne réserve pas, en pensant que comme d’habitude, une fois le vélo plié dans son sac, ce ne sera qu’un sac supplémentaire. Non, tout est fait pour vous faire payer un supplément et soyez sûr qu’ils tâteront bien le sac pour en découvrir le contenu. Je dois donc m’acquitter de la même taxe vélo que ceux qui n’ont rien plié du tout, soit 25$. Tiens, pourquoi faire payer 75$ en ligne et demander 25$ sur place? Bonne surprise si vous n’avez pas réservé en ligne. Voilà qui n’est pas très clair. Pendant l’heure d’attente que vous passerez pour l’enregistrement archaïque de vos bagages, un grand costaud tente de vous vendre des Colson à 1$ pièce vous assurant que c’est obligatoire et tente de déceler le moindre trou dans vos bagages pour vous vendre un filmage plastique à 5$. Le truc, c’est que vous n’avez pas le choix. Un trou, 5$ (payable en liquide et sans reçu) ou on refuse de vous prendre votre bagage. Autre point ambigüe : l’interdiction d’apporter de la nourriture sur le bateau sous couvert selon eux des lois internationales. J’aimerais bien savoir quelle loi INTERNATIONALE interdit la nourriture sur un bateau. Derrière, bien entendu, le buffet du ferry au rapport qualité/prix douteux vous attend.

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Vous passez ensuite via les mêmes systèmes de sécurité que dans un aéroport comme si on pouvait crasher le ferry dans un building en arrivant (je sais qu’ils font ça dans Speed 2 mais bon…), et l’immigration de Colon est aussi rapide que l’américaine. Pas parce qu’on vous pose 50 questions inutiles, non. C’est parce qu’on a affecté qu’un seul clampin tamponneur pour tout le bateau. Le tout partant bien évidemment en retard alors que la traversée dure déjà 17 heures. Dans la cabine, la fête continue avec l’absence de prise électrique (ils les ont installées dans le couloir, c’est logique), pas d’eau chaude dans le filet qui veut bien sortir du pommeau entartré et une eau qui doit stagner dans les robinets depuis l’Adriatique. La sortie du bateau parachève le tableau avec un filtrage du peu de passagers comme pour nous faire perdre encore un peu plus de temps.

Alex de son côté a pris l’avion de Panama City à Bogota suivant mes conseils. Une heure de vol, 130$. Choisis ton camp camarade.

ps : J’ai bien entendu envoyé un email à la compagnie pour leur faire part de mon avis sur leurs services.

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Un peu de sécurité et de verdure au Nicaragua, Costa Rica et Panama. Voilà!

Après le Guatemala, le Salvador et le Honduras, nous finissons enfin par trouver un pays moins hostile en Amérique centrale : le Nicaragua. Des paysages moins arides, des canneraies à perte de vue et des moustiques en folie. La nourriture y est très bon marché, un repas dans un troquet local coûte dans les 3$ environ. Nous traversons le pays en 5 jours, profitant brièvement de ses grandes étendues verdoyantes et des anciennes villes coloniales aux ruelles pavées ou très animées : Leon et Granada notamment.

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Nous retentons également notre chance auprès d’un volcan en activité après l’épisode des bandits du Guatemala : le volcan Masaya. Cette fois, l’entrée du parc est payante, ce qui nous garantit un minimum de sécurité. Les pentes pour y accéder sont rudes et la récompense à l’arrivée n’est pas du côté que l’on pense. Le volcan est enfumé comme jamais et nous ne voyons pas l’ombre d’un soubresaut de lave. L’autre côté de la colline offre en revanche une vue splendide sur la plaine environnante que nous venons de traverser. En bordure de cratère, nous faisons la connaissance d’un couple de Français qui remontent l’Amérique en voiture et qui était au courant que deux Français s’étaient faits attaquer au Guatemala. Les nouvelles vont vite en Amérique Centrale car ils arrivent du Costa Rica où nous n’avons pas encore passé une roue!

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Nous campons deux jours plus tard à la frontière de Peñas Blancas pour passer au Costa Rica. Comme prévu, les enfumeurs ne sont pas que volcaniques et les vendeurs ambulants tentent par tous les moyens de nous refourguer, entre deux ventes de Marijuanol (du Biactol à la Marijuana), le formulaire de sortie pour 1$. Comme s’il fallait désormais payer les Cerfa… Nous n’échapperons à l’arnaque qu’avec l’aide d’un Panaméen avec qui nous discutons dans la file d’attente de 3/4 d’heure. Nous ne pouvons éviter la taxe municipale de sortie de territoire, très classique, pour des raisons évidentes de… hum! Voilà quoi, c’est une taxe de sortie, son existence coule de source pour équilibrer le budget.

Dès notre arrivée, le Costa Rica nous offre un style plus tropical. Il fait chaud, lourd, la végétation est dense. La richesse du pays ne se ressent pas immédiatement, il faudra pour cela s’approcher un peu plus de la capitale, San Jose, ville développée absolument sans intérêt, vilaine et chère. Chère, comme le reste du pays d’ailleurs. Les Américains ont tellement investi cet endroit qu’on pourrait presque le considérer comme le 51ème État US. Toute la culture espagnole a quasiment disparu et le touriste est pris pour une vache à lait quelque soit l’activité envisagée. Vous souhaitez visiter dans un parc national : 20€. Apercevoir le volcan de X : 15€. Je n’ai jamais bien compris le principe de payer des fortunes pour visiter des endroits naturels qui ne nécessitent finalement rien d’autre qu’un peu de nettoyage quand l’incivilité des visiteurs a laissé des traces. Pour info, l’entrée du Grand Canyon coûte 10-12$ max. Ça, c’était pour les mauvais côtés. Heureusement, pas besoin de chercher bien loin pour découvrir la luxuriante nature costa ricienne : nous avons eu la chance de camper au milieu des singes, d’assister au bord d’une plage, à des vols d’aras, et de manger au milieu de pelicans. Le tout par hasard. Et puis les Costa-Riciens sont adorables et se sont souvent arrêtés pour nous offrir de la nourriture sur la route.

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Mais nous avions un tout autre objectif au Costa Rica : développer un site pour permettre aux voyageurs de se suivre et se rencontrer d’après une seule et même carte. Pendant quelques semaines de repos dans un hostel de San Jose, Alex a donc développé NOMADSTEP. Si vous êtes voyageurs, nous vous invitons à vous enregistrer et à créer votre carte de voyage. Le service est gratuit et à votre disposition.

Et vint le jour où il fallu repartir sur les routes. Une heure avant de partir, Alex entre dans ma chambre pour m’annoncer qu’il partait en bus avec sa compagne Chilienne du moment. Un vélo restait donc disponible et je me tournais immédiatement vers Karin, Autrichienne de son état, pour lui proposer un petit périple improvisé à bicyclette. Après quelques essais sans bagages puis avec, nous partions 3h plus tard en direction du Costa Rica.

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Eh bien, je crois qu'on ne se lavera pas aujourd'hui!

Eh bien, je crois qu’on ne se lavera pas aujourd’hui!

Karin n’a jamais vraiment fait de vélo et sûrement pas dans ces conditions. Heureusement, San Jose culmine à plus de 1000 mètres d’altitude et la première journée est une longue descente de 50 km. Les jours suivants furent plus difficiles et j’avais beau lui enseigner le mental ninja de Schwartzennegger, son compatriote, cela ne calmait ni les douleurs musculaires, ni la fatigue mentale. Les journées d’enthousiasme alternait avec le désespoir sous des chaleurs caniculaires (environ 38˚C tous les jours). Une semaine après notre départ, le vélo, le camping, le manque d’hygiène et un rythme trop élevé, tout cela était de trop pour quelqu’un qui n’y était pas préparé. Elle aura tout de même pédalé 400km, confirmant qu’il n’est pas nécessaire d’être un sportif aguerri pour voyager à vélo. Il faut avant tout vouloir le faire, tout le reste n’est qu’une question d’habitude. Si vous pensez que vous pouvez le faire, vous avez raison. Si vous pensez que vous ne pouvez pas, vous avez également raison.

Notre petit voyage commun à deux roues nous aura menés de San José aux frontières de la péninsule d’Osa et enfin jusqu’à la frontière Panaméenne. De là, nous n’avions d’autre choix que de faire du stop pour faire souffler les guiboles de ma partenaire. Et puis voyager au pouce avec une femme, c’est comme appeler un taxi sur la 5ème avenue, il n’y avait plus qu’à embarquer et admirer le paysage d’une route peu attractive et en travaux jusqu’à Panama city. Les Panaméens ont la réputation d’être froids et peu souriants. C’est vrai, aux premiers abords. Mais à l’instar des Russes, nous avons aussi découvert des gens qui avaient une vraie volonté d’aider : notre chauffeur de camion nous a par exemple réservé une chambre et conduit jusqu’à notre hôtel en ville, on m’a offert des fruits alors que je pédalais dégoulinant de sueur, en direction de Colon pour attraper le ferry vers la Colombie. C’est à souligner, ça n’arrive pas tous les jours. Les paysages, contrairement à son voisin, m’ont laissé plutôt insensible mais sans doute est-ce dû à une certaine lassitude des pays latinos. Il va peut être temps d’envisager un changement d’air.
Pour l’anecdote, la monnaie locale, le dollar panaméen a la particularité d’être indexé sur le dollar à un taux fixe de 1 pour 1. Il est donc possible de payer dans les deux monnaie en même temps, les pièces étant différentes mais de même format alors que les billets sont tous des dollars US.

Je voudrais revenir pour conclure sur la péninsule d’Osa, au Costa Rica, haut lieu des exploits de Cizia Zykë, aventurier français dont les péripéties nous font passer pour des pré-pubères du voyage. Pour résumer brièvement le personnage, il est d’abord devenu roi de la nuit et du tripot clandestin de Toronto à 23 ans, a organisé un trafic de camion à travers l’Afrique, a monté une mine d’or au Costa Rica donc, à l’aide d’une bande de hors-la-loi devenus semi-esclaves, puis une seconde en Australie, avant une tentative de lupanar flottant sur la frontière entre le Suriname et la Guyane. L’argent accumulé finissant systématiquement entre drogues, bonnes amies, pots de vin et casinos avant de recommencer sur un autre continent. Bref, c’est loin d’être un cave et pour vous dire comme tout cela est sérieux, il fût invité chez Pivot (car en plus d’avoir des baloches en acier, monsieur était aussi un écrivain pas trop moche) pour une interview d’anthologie que vous pouvez retrouver ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=SRAlbLpmWjs

Bref, je ne pouvais pas passer aussi près d’Osa sans évoquer le monument et conseiller ses bouquins : Oro, Sahara, Parodie, Oro & co. On regretterait presque à la lecture de ces exploits qu’il ne soit mort que d’une crise cardiaque il y a 3 ans. Et quand un type comme ça s’en va, y a pas de place à prendre, c’est la fin d’une époque.

ps : pour l’habituel excité qui va nous raconter que ce qu’on décrit n’est pas fidèle à ce que lui connait du pays parce qu’il est un expert, sache que nous ne publions pas un guide de voyage mais les impressions que l’on a eu pendant quelques jours sur place. Point. Faut pas chercher plus loin si ça te plaît pas.

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De passage au Salvador et au Honduras

Nous nous retrouvons au Salvador via la frontière sud le lendemain de l’attaque avortée de nos bandits manchots. Le pays est peuplé, trop peuplé. Six millions d’habitants entassés comme des sardines et pas moyen de trouver un coin camping tranquille la plupart du temps. Les paysages sont moins beaux qu’au Guatemala, la saleté et les chiens écrasés sans surprise, toujours omniprésents, ainsi bien évidemment que les vautours.

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Notre premier soir fût encore riche en émotions. En pleine partie d’échecs, perdus dans les champs loin des regards indiscrets, nous apercevons quatre silhouettes s’approcher à la tombée de la nuit. Alex décide d’aller à leur rencontre puis voit que nos visiteurs sont armés. Je le rejoins, deux autres hommes nous contournent sur la droite, deux à gauche, ça pue. 24h après avoir échappé de justesse à une attaque, cette fois nous sommes cuits. Ils commencent à nous demander qui on est, ce qu’on fait là d’un air tendu, le temps que tout le monde nous ait bien encerclés. Ils parlent beaucoup pour des bandits, et eux n’ont pas de cagoules. Il fait nuit désormais, et ils nous demandent de les suivre. On ne peut pas vraiment refuser et nous finissons par nous rendre dans une ferme. Rassurés sur leurs intentions, nous comprenons que nous avons à faire à une équipe de fermiers qui avaient peur qu’on leur tue du bétail pour le voler. On est parfois assez sauvages dans notre alimentation mais nous aimons encore nous approvisionner chez le boucher pour les beefsteaks. Et puis, nous n’avons jamais trouvé de restaurant qui servait ces charmants petits iguanes (20$ pièce au bord de la route) :

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Nous aurons finalement droit au gîte (un hamac) pour la nuit et quelques explications de la vie au Salvador. Eux gagnent 7$ par jour, ce qu’ils considèrent comme un bon job, même s’il faut travailler jusqu’à 15h, jour et nuit pour monter la garde. Beaucoup rêvent du passage jusqu’aux États-Unis, ce qui coûte jusqu’à 8000$. L’un de nos hôtes y a vécu 21 ans illégalement et a fini par se faire expulser pour une raison obscure. Son unique objectif est d’économiser suffisamment pour y retourner, même s’il ne rechigne à passer voir les bonnes amies du coin qu’il nous recommande longuement. Elles font apparemment un travail admirable pour 5$. Son patron est un passeur, son réseau est bien ficelé : il conduit les émigrants jusqu’au Mexique et son frère se charge ensuite d’éviter les nombreux barrages routiers mexicains. Bon courage à vous les gars! Nous avons croisé la route de nombreux expulsés US depuis le Mexique et tous souhaitent prendre le risque d’y retourner. On risque un an de prison en cas de récidive.

Nous éviterons désormais le camping sauvage au Salvador si nous apercevons le moindre pécore à l’horizon et passerons ainsi deux nuits bien différentes dans deux familles.

La première, éduquée et ouverte nous accueille derrière son énorme portail métallique et ses barbelés. On nous offre la douche, une nourriture beaucoup plus riche que les habitudes alimentaires d’Amérique centrale et la présence d’un gosse adorable qui n’arrêtait pas de piailler, que nous comprenions n’avait que très peu d’importance pour lui. Ils ne semblent pas très aisés, la maison est très sommaire et les deux parents ont des boulots de base. Mais leurs cerveaux fonctionnent à plein régime et ils ne veulent pas se contenter de mal survivre. Le contenu des assiettes est souvent révélateur de la mentalité locale. Les deux parents partis travaillés le lendemain matin, la gamin est autorisé à sauter l’école pour profiter seul de sa matinée avec les deux Français de passage, sûrement plus enrichissant pour lui que le système scolaire Salvadorien. Une famille sans trop d’argent mais sûrement pas sans idées.

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La veille de traverser la frontière du Honduras, nous avons vécu une expérience tout autre, à la fois usante et drôle. À la tombée de la nuit, nous demandons l’hospitalité dans une ferme qui nous indique un coin pour poser les tentes. La conversation d’abord très formelle tourne rapidement sur la religion à leur initiative, un sujet qui semble leur tenir à coeur. La famille précédente vivait sur le terrain d’une église mais le sujet n’avait pas été abordé.
Soit, nous ne sommes pas croyants mais n’avons rien contre. Tant qu’on essaye pas de faire du prosélytisme. Premier choc donc, à l’annonce de notre athéisme. La tolérance, l’humour, rien ne les calme et nous sommes assaillis de questions. La vieille est la plus virulente pendant que les autres ricanent autour : « mais vous croyez à l’enfer tout de même? » « Et qu’est-ce que vous direz à Dieu quand il vous présentera la note? » Je sais pas, « enchanté, ravi que vous existiez, c’est une bonne nouvelle« , et toute une série de pourquoi. Mais peu importe que l’on soit croyant ou pas si on agit bien avec son prochain non? « Non ». Et on en prend plein la tronche pendant 1/2h.
Pas de pot pour eux, j’ai lu la Bible, j’ai entamé le Coran, donc sans être très bon, je connais un petit peu le sujet. Je veux bien rester poli mais y a un moment où je ne peux m’empêcher de répliquer un peu sèchement, quitte à me trouver un autre coin camping en pleine nuit. Jusqu’ici les croyants que je connais ne prêchaient que la tolérance donc si eux ne sont pas capables de l’être, on va se défendre aussi. Pas la peine de débattre une croyance, on ne les convaincra pas plus qu’on ne convainc un adversaire politique. Je leur dévoile tout le bien que je pense du Dieu de l’ancien testament auquel ils sont si attachés et leur révèle un fait qui ne leur plaît pas vraiment : les Musulmans croient au même Dieu que les Chrétiens. Ça proteste dans tous les sens mais ils sont bien obligés d’avouer à demi-mot qu’ils y connaissent queue de chie!

Enfin, la question suprême arrive : « Et comment avez vous été créés? » Je vois bien où elle veut en venir et je joue au con. Nous venons de nos parents. Et après? De nos grands-parents et ainsi de suite jusqu’à ce que je sorte l’histoire des hommes préhistoriques, des singes, etc. Hilarité générale, nous descendons du singe! N’importe quoi! Tout ça, accrochez vous bien, c’est un livre, mais c’est pas vrai, faut pas y croire. Nous sommes absourdis par tant de bêtises.

Nous nous empêtrons encore quelques minutes dans la virulence anti-darwinienne puis décidons qu’il est l’heure de monter les tentes et manger. C’est alors que nos hôtes nous encerclent toute la soirée, observant nos moindres faits et gestes, comme des singes ayant découvert le monolithe noir de Kubrick. Mon Dieu que c’était lourd! Notre popote de spaghetti les impressionne tout autant que le moindre mot prononcé en français. Il ferait mieux de passer un peu plus de temps sur wikipedia que dans leur église. En partant le lendemain matin, ils remettent le couvert au cas où nous ayons été touchés par la grâce durant la nuit.

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Nos expériences les plus marquantes au Salvador auront donc été nos soirées camping. En une petite semaine nous aurons goûté aux esprits les plus conservateurs, aux plus ouverts, et puis aux craintes d’une bande de fermiers contre la violence qu’un tel pays peut offrir à ses habitants. À part le premier soir, nous ne nous sommes jamais sentis en danger. Les fusils à pompe sont tout autant de sortie qu’au Guatemala mais on finit par s’acclimater.

La réputation du prochain pays, le Honduras, nous fait un peu plus peur car c’est apparemment le plus dangereux d’Amérique centrale. Ça va crescendo jusqu’à maintenant. L’objectif est simple : nous coupons au plus court pour rejoindre le Nicaragua sur la route principale, le chemin que prennent la plupart des touristes ne souhaitant pas s’y attarder. Peu avant la frontière, une école primaire nous offre un spectacle en accord avec la soirée précédente : une bande de gamins haut comme trois pommes crient « Jesus! Jesus! Jesus! » comme en transe devant leur prof. Dites donc, y a encore du chemin à parcourir…

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Dès notre premier jour, une équipe TV du Honduras nous arrête pour une interview, ils voulaient savoir ce que nous faisions ici en vélo. L’évènement était apparemment assez rare pour mériter un passage télé. Interview, 10 minutes d’enregistrement pendant que nous roulons et un essai de pédalage non concluant pour l’assistante.

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On a bien eu du mal à énoncer quelques points positifs sur le pays puisque non seulement nous venions d’arriver mais les locaux ne nous étaient pas apparus franchement sympathiques jusqu’ici. Pour la première fois depuis longtemps les gamins honduriens réclament des dollars à tour de bras sur notre passage et les paysages du Honduras sont si secs qu’on à peine à croire qu’on soit sur la côte Atlantique. Pas le pays rêvé pour le peu qu’on en a vu mais il fallait bien mentir un petit peu pour leur faire plaisir. La prochaine fois qu’on croise la route de créationistes, on fera de même…




Bandits manchots

Nous faisons nos adieux à notre famille d’accueil de San Pedro La Laguna puis sautons dans un petit bateau pour traverser le lac. Adieu l’école, adieu la petite famille, adieu les bandits des montagnes.

San Pedro la Laguna - Guatemala

La prochaine destination est Antigua, très proche de Guatemala City et pas très loin du lac Atitlan. Nous sommes aux aguets, l’idée qu’un bandit pourrait surgir des fourrés nous taquine. La route sinueuse offre des vues magnifiques sur le lac et nous découvrons un peu plus loin une mine de calcaire. Les parois blanches ressemblent à un palais primitif. Il fait frais et sombre et les galeries se perdent dans un noir absolu. Si nous n’avions pas pédalé qu’une dizaine de kilomètres, nous y passerions la nuit.

Guatemala

Guatemala

Nous atteignons Antigua le lendemain et décidons d’y rester pour la nuit. Ancienne capitale du pays aux rues pavées et aux façades colorées, elle héberge une myriade d’églises à moitié écroulées à cause d’un tremblement de terre survenu au 18ème siècle. L’événement fut finalement salvateur car il décida le gouvernement de changer la capitale pour Guatemala City. Antigua a pu garder son charme et son style colonial et se reconvertir tranquillement en centre touristique et un des principaux centre d’écoles pour apprendre l’espagnol.

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Sur place, fouinant sur internet pour trouver la suite de notre parcours, nous découvrons qu’il y a un volcan actif tout près de nous. Nous n’avons jamais vu de lave ou reniflé de vapeurs de souffre, ça semble être une bonne idée et nous partons dans sa direction par le chemin le plus court sans nous soucier des dénivelés où de savoir où nous laisserons les vélos pour escalader le dernier kilomètre à pied. Il faut d’abord grimper un col de 500m avec une belle pente à plus de 10% pour atteindre Santa Maria de Jesus. On remarque de plus en plus de messages le long de la route, peints sur la roche ou sous forme d’affiches dont le fond dit « Ensemble contre la violence ». On repense aux bandidas que nous n’avons pas croisés au lac Atitlan, mais nous relativisons car la route est beaucoup plus fréquentée que là bas et personne ne nous a alpagué pour nous mettre en garde. Une voiture de police nous a même doublé sans rien nous dire, ce doit être sans danger. Santa Maria de Jesus culmine et marque le sommet de notre route. La traversée du village est un poil glauque car les habitants ont la mine grise. Ça arrive parfois sans qu’il n’y ait vraiment d’explication et nous n’y prêtons pas attention.

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De l’autre côté la route reprend mais se transforme rapidement en chemin de terre. La tension monte, mais une fois de plus nous nous rassurons en voyant tous les locaux remonter à pied ou à cheval, chargés du bois qu’ils viennent de couper. Les bandits n’attaquent pas sur des routes fréquentées. Greg est en tête et rapidement une camionnette blanche s’intercale entre lui et moi. Elle soulève de la poussière et me force à prendre un peu de distance. Elle s’arrête quelques centaines de mètres plus loin, un type en descend et me fait signe de ralentir. Je me méfie et le jauge à distance tout en freinant lentement, prêt à prendre la tangente si nécessaire. Le type a la cinquantaine, n’est pas armé et les autres types placés de part et d’autre du camion n’ont pas l’air malhonnêtes. Il m’explique qu’il peut y avoir des bandits sur la route. Tiens donc! Il me mime un pistolet, mais tous braillent en même temps et je ne comprends pas grand chose. Ils vont nous suivre en camion, ça me va très bien. Il me fait signe de passer devant et je retrouve Greg qui m’attend plus bas, en me filmant, à qui j’annonce la bonne nouvelle.

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On dévale la pente en essayant de ne pas ralentir nos gardiens, puis au bout d’un moment nous réalisons que le camion ne nous suit plus. La route est calme, trop calme. Où sont passés les types avec leurs fagots de bois et les autres qui coupent des herbes ? Trop loin pour faire demi-tour, nous continuons en forçant un peu la cadence, l’oeil rivé aux sacoches qui ont pour mauvaise habitude de tomber lorsqu’il y a trop de vibrations et des images de banditas plein la tête. Je m’imagine des attaques fulgurantes et essaye de visualiser les agresseurs, leurs fringues, armes et attitude. J’essaye de me rassurer, de penser à San Pedro où nous poussions nos vélos dans la poussière et où rien était arrivé. Ici, nous dévalons le sentier rocailleux à 20km/h, nous serons en bas rapidement. Mais au fait, quelle longueur fait-il ce sentier ??

À l’intérieur d’un virage, un mouvement dans la forêt me tire de mes pensées. J’aperçois un homme. Non, deux. Le visage noir. Non, encagoulés. Armés. Merde, ils ont des flingues ! J’aperçois juste un canon noir dépasser, pas le temps de voir quoi que ce soit d’autre. L’adrénaline explose, je relâche complètement les freins mais il faut que je continue à regarder où je vais. Un caillou devant ma roue et je finirai à terre. Je jette des coups d’oeil de biais, puis sur le côté alors que je passe à leur hauteur. Eux me crient des trucs en espagnol en courant dans ma direction en pointant leur flingue. Tout se passe en quelques secondes confuses. J’ai l’impression que ma vitesse les a pris de surprise et qu’ils ont du mal à sortir de leur cachette, comme empêtrés dans des herbes, mais ce n’est sans doute qu’une impression du au fait que je ne peux pas les fixer plus d’une demie seconde à chaque fois au risque de me vautrer. Deux secondes plus tard et je suis déjà en contrebas et je crie à Greg qui ne m’entend pas « Fais gaffe il y a des types armés ! ». Il les a déjà vus, mais eux ont eu le temps d’atteindre la route. Il y a une vingtaine de mètres entre lui et moi, et seulement quelques uns entre lui et les bandits.

Greg : J’étais dans mes pensées quand je vois un type foncer droit sur moi, le fusil (je crois) pointé dans ma direction. Mon premier réflexe est de crier « Wow! Wow! Wow! Wow! » comme pour leur dire « vous êtes marteaux! vous m’avez fait peur! » Il me faut une seconde pour vraiment réaliser que c’est pas pour rire et j’accélère comme jamais pour leur échapper. Et ils tirent deux secondes après que je sois passé à leur hauteur, je baisse la tête!

Alex : J’entends une détonation. Une à deux seconde après, une seconde, cette fois-ci suivie d’un bruit d’impact sec et clair à ma hauteur. La seconde balle s’est donc écrasée à ma hauteur, mais où est la première ? Je me retourne sans cesse en essayant de fixer Greg le plus longtemps possible, traquant tout indice me confirmant qu’il est touché. À ce moment là il a également dépassé les deux agresseurs et nous dévalons comme des fous furieux. Je me retourne trois à quatre fois avant d’être rassuré. Nous continuons à dévaler le sentier jusqu’à ce que l’adrénaline retombe. Je pense que nous avons parcouru environ 2 kilomètres avant que nous ne nous arrêtions.

Greg est devant un panneau annonçant une propriété viticole. Il veut se planquer là et chercher de l’aide. Je m’imagine déjà les bandidas nous poursuivant avec je ne sais quel engin et suis plus enclin à continuer à dévaler la montagne. On s’engage finalement dans la propriété en jetant des coups d’oeil par dessus nos épaules. Une sacoche se vautre. Je la ramasse et nous reprenons la descente. Un pick up, puis deux, puis une grande maison qui ressemble à un château apparaîssent successivement. Joie, civilisation, aide ! Pas de signe d’homme, mais trois bergers allemand en liberté gardent la maison et se mettent à nous japper dessus. Ce ne sont pas de mauvais bougres et ils se mettent vite à remuer la queue et nous laissent passer.

Nous attendons devant la maison une demie heure, puis commençons à cuisiner. Il est 13 heures et toutes ces émotions nous ont donnés de l’appétit. Le proprio choisit ce moment pour faire son apparition. Nous lui expliquons la raison de notre présence sur sa pelouse avec deux réchauds et il s’en va immédiatement en pick up chercher la police et les clients qu’il devait rencontrer.

Il revient 20 minutes après, suivi d’un pick-up noir de la police municipale. Nous finissons de manger puis chargeons les vélos à l’arrière du pick-up en les pliant sommairement sous les yeux ébahis de nos chauffeurs du jour. Ils nous covoiturent alors jusqu’à Palyn, enfreignant légèrement le règlement leur interdisant de sortir de leur juridiction, toujours dans ce petit chemin de terre. Cette fois, on aurait presque envie que les encagoulés repointent leur nez pour se faire accueillir comme il se doit.

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La visite du volcan est annulée. Pas moyen de retourner sur des petites routes aujourd’hui. Nous allons désormais coller à la route principale pour un moment, le temps de pouvoir rigoler de cette histoire. Demain, nous passerons la frontière du Salvador, réputé dangereux également. Pour nous, il y aura une frontière entre nous et nos agresseurs, ça a un côté rassurant.

Les chauffeurs dorment comme ils peuvent dans l'immense file de camions précédant la frontière

Les chauffeurs dorment comme ils peuvent dans l’immense file de camions précédant la frontière

Dans ce genre de situation, il est souvent recommandé de ne pas opposer de résistance et de ne rien tenter. Il faut encore pour ça que la raison prenne le pas sur les réflexes biologiques primaires. Tout s’est passé tellement rapidement que seules nos jambes ont répondu présentes sur le moment, ce qui pour le coup a été salutaire. Mais ça aurait pu aussi plus mal finir si les bandits n’avaient pas été des manches au tir à la carabine !