La gentillesse incarnée en Zambie et au Malawi

Je profitais de quelques jours de repos bien mérités à Livingstone où dès que je sors, les mêmes « artistes de rue » (je leur accorde volontiers que ce sont bien des artistes dans leur genre…) veulent successivement m’arranger du change pour le prochain pays, me vendre des billets souvenirs du Zimbabwe, des bracelets porte bonheur qu’ils ont fait eux même depuis la Chine, réparer mon vélo, porter mes courses, m’aider à retirer de l’argent, etc. Ils sont très polyvalents, marrants mais un peu trop insistants à force, même s’il n’y a aucune agressivité de leur part.

Le jour de mon départ, j’entreprends le pari audacieux de retirer de l’argent. Je fais d’abord la queue une heure à Standard Chartered pour essuyer un échec devant le distributeur. L’ATM de Barclay’s décide quant à lui de me gober ma carte « on user’s request« . Ben voyons. On me propose de me la rendre deux jours plus tard pour des raisons de sécurité. J’ai bien quelques dollars de secours en poche mais faut pas déconner. Il me faudra cinq heures pour la récupérer et une heure de plus pour faire cinq autres distributeurs en ville et retirer 200 balles. Bon, il est désormais trop tard pour partir et j’ai entretemps rencontré deux autres cyclistes au long cours. C’est peu courant en Afrique.

Il y a d’abord Bob, dont j’évoquerais l’histoire lors d’un prochain article quand il m’aura transmis son histoire en détails, avec des passages de CIA, de gouvernement zimbabwéen, de piratage informatique et de trafic d’éléphants dedans.

Et puis il y a Sarah, Québécoise qui descend depuis le Kenya jusqu’en Afrique du sud. Ah! J’aurais aimé l’avoir sous la main hier, quand cette bécasse d’Américaine me faisait son numéro de féministe malheureuse à qui il est impossible de voyager en Afrique! Bien sûr qu’il est plus difficile de voyager seule et qu’il faut prendre plus de précautions mais c’est possible quand on le veut vraiment. Il est malheureusement plus confortable d’imaginer et se convaincre qu’on ne peut pas. J’ai depuis découvert cette page qui liste les femmes voyageant seules en vélo, si ça peut inspirer certaines lectrices : http://www.skalatitude.com/p/wow-women-on-wheels.html

Sarah lève des fonds pour une association qui se propose de construire un « community hall » dans le plus gros bidonville de Nairobi, Mathare pour permettre à la population locale d’y développer des projets. Cet espace commun intégrera notamment des projets éducatifs (salle informatique), et médicaux (dispensaire). Je n’ai jamais bien compris le principe de lever des fonds en pédalant puisque dans mon esprit, les gens pourraient tout aussi bien donner si je ne pédale pas mais je suis sans doute un peu trop terre à terre sur ce concept et si certains veulent la soutenir dans son aventure, toutes les infos sont dans les liens suivants :

http://www.roadmaptomathare.org/
https://www.indiegogo.com/projects/a-green-community-centre-in-nairobi-s-oldest-slum

Je filais le lendemain vers Lusaka pour traverser la Zambie en direction de la Tanzanie. J’hésitais jusqu’au dernier moment à faire un détour de quelques centaines de kilomètres par le Malawi, sachant que j’avais rendez-vous avec un ami en Tanzanie dans deux semaines environ. Les gens sont d’abord adorables le long de la route avant de changer complètement de caractère à l’approche de la capitale puis surtout dans la capitale. C’est un schéma commun quand on arrive en ville, les gens sont souvent moins souriants et plus agressifs. Je pense alors que prendre la route de l’est, moins empruntée, me conduira à découvrir des personnes plus agréables et je bifurque au dernier moment en direction de Chipata. Je n’aurai pas à le regretter. J’ai pris un pied incroyable dans la campagne zambienne au contact des locaux. Tous ont une banane de 30cm sur le visage en me voyant et les gamins me courent tous après en criant « How are you! » ou plutôt « Awayou! » Ils n’attendent même pas de réponse particulière si ce n’est que je crie moi aussi « Awayu! » en agitant la main ou que j’organise une tournée de bonbons improvisée, entouré de 20 gamins qui tendent les mains.
Les adultes ne participent pas à la distribution mais sont tout aussi heureux de crier « Awayou! » à tour de bras. Parfois, je ne salue un groupe d’adultes occupés à discuter entre eux ou en train de travailler (ce qui est plus rare). Erreur! On m’interpelle immédiatement pour que je lève la main! Bref, j’ai parfois l’impression d’être Chirac au salon de l’agriculture.

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Les Zambiens sont assez fainéants donc. Le constat semble un peu rude mais j’ai laissé la conclusion à un local. Je remarquais bien une activité réduite au maximum le long de la route. On ne distingue pas un jeudi d’un dimanche, la majorité est assise. Les hommes en cercle sous un arbre à discuter et les femmes au bord de la route généralement derrière des fagots de charbon à vendre. Quand quelques uns travaillent ou transportent des sacs sur leur vélo, on a presque envie de leur dire comment ils devraient s’y prendre. Rien n’est pensé pour gagner du temps. Je faisais donc part de mes observations à un fermier chez qui je campais un soir. Sa réponse est implacable : Les gens sont fainéants! Ils font ce qu’il faut pour avoir assez de nourriture au quotidien et arrêtent. Ils ne pensent pas au lendemain.

Au final, c’est aussi comme ça que je les aime. S’ils étaient aussi excités que des occidentaux, je prendrais certainement moins de plaisir à voyager dans leur pays et puis c’est finalement le rythme qu’ils ont choisi et qui leur convient. Je me demande même parfois si le concept de progrès est bien fait pour eux. Ils semblent se contenter de leur mode de vie traditionnelle et de leur habitat bancal. Certains me demandent toutefois ce qu’il faut faire pour aller en Europe ou vivre à l’Européenne, s’imaginant que l’argent tombe du ciel et que mes sacoches sont remplies de billets. Ça me démange parfois de leur dire qu’il faudra commencer à travailler comme en Europe…

Si les Zambiens sont assez magiques dans leur ensemble, les paysages de la route de l’est ne le sont en revanche pas vraiment, je m’attendais à mieux. C’est loin d’être vilain, mais l’Afrique offre généralement beaucoup mieux que ça.

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J’arrive à Chipata dans un triste état et les vigiles du magasin de fringues décident même de me suivre dans les rayons tellement ma chemise sale et déchirée fait peine à voir. Mon odeur doit aussi attirer leur attention j’imagine. J’achète un pneu de secours dans le petit marché bordélique car l’arrière a bientôt 20 000km au compteur et s’affine un peu plus tous les jours.

Pour éviter Lilongwe, la capitale du Malawi et gagner un peu temps sur mon parcours jusqu’en Tanzanie, je décide d’emprunter la frontière de Lundazi plus au Nord. Je n’avais alors pas prévu que je devrais emprunter 80 kilomètres de pistes sans signalisation jusqu’à la ville de Mzimba au Malawi. Je passe la frontière du Malawi à 8h00 après avoir dormi avec les douaniers Zambiens et on me demande pour la première fois, les papiers du vélo. Ben voyons, je lui propose de lui griffonner un papier en rigolant.

Perdu dans les pistes, deux ou trois routes s’offrent parfois à moi, et je dois attendre 10 minutes qu’un type veulent bien passer par là et m’indiquer la direction. Si je demande, le retour du tarmac est toujours très proche et souvent à 6km (c’est un chiffre porte bonheur visiblement). J’essaye d’en rire au maximum quand je dois pousser mon vélo dans un banc de sable 15 km plus loin. Le Malawi ne me paraît pas fondamentalement différent de la Zambie en ce qui concerne la population, on y parle toujours anglais, on y est toujours très souriant, serviable, les repas sont toujours composés de milmil/sima avec un peu de viande et des herbes, (comme au Botswana d’ailleurs) et leur prix ne dépasse pas les 2$. On discute toujours sous les arbres.

Le panorama est par contre beaucoup plus joli, vert et vallonné. La route de Mzimba à Mzuzu monte à près de 2000m d’altitude pour offrir des vues superbes tout autour avant de redescendre sur la ville où les enfants m’appellent Chuck Norris en raison de ma barbe rousse. Et de ma couleur de peau évidemment. Je me connecte pour la première fois sur internet depuis 2 semaines dans un cyber café. L’ordinateur peine comme jamais pour ouvrir une page Google, je me crois revenu un instant sur mon Pentium 166. Je regarde les deux premiers messages : le premier m’indique que la situation de ma petite entreprise australienne est au plus mal et le deuxième est un message de mes parents pour me dire qu’ils ont appelé l’ambassadeur du Malawi car je ne donnais plus de nouvelles depuis 5 jours, le GPS n’avait pas fonctionné… Cinq jours au Malawi, dans un pays, comme la Zambie, où mon seul risque est à peu près de crever un pneu, j’en rigole et me dis qu’il y a des jours comme ça où j’aurais mieux fait de poursuivre ma période anachorète.

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La route après Mzuzu est encore plus belle. Je grimpe un bon coup après être passé dans une longue vallée verdoyante et me retrouve à surplomber le lac Malawi pendant de longs kilomètres de descente au milieu des babouins me montrant leur postérieur lisse avec énergie. Le lac me rappelle les plages du nord de l’Écosse avec des eaux turquoises et des abords alternant entre le sable blanc et la végétation émeraude qui le longe. Une fois en bas dans le village de Chiweta, je m’offre un repas dans un restaurant typiquement africain, moitié catholique, moitié footballeur : les posters du Christ et la Cène se mariant avec Manchester United, Ronaldo et Messi et faisant face à Puff daddy et 50 Cents.

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C’est assez courant de voir ce genre d’association dans les pays en voie de développement et toujours assez délicieux. Je m’offre ensuite un lavement tout habillé à la Jacquouille dans le lac, au milieu des petites embarcations de pêcheurs taillés à même les troncs d’arbres épais qu’offrent ces pays. Je n’aurais croisé que deux blancs durant mes quelques jours au Malawi. Les coins que j’ai traversé semblent très peu touristiques et méritent définitivement d’aller y faire un tour si vous envisagez de partir prochainement.

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Pour ma dernière nuit au Malawi, une anecdote amusante m’est arrivée, rappelant un épisode perturbant d’Amérique Centrale que j’avais relaté. J’approchais alors de la ville de Karonga après une journée de 170km (vent dans le dos, ça aide). La pluie commençant à tomber, je pensais trouver refuge à la station de radio de la ville, toute grillagée et dotée d’une superbe pelouse où je rêvais déjà d’y installer ma tente. Ce n’est pas autorisé.
Bon, j’aperçois une église Baptiste et vais y demander l’hospitalité sur leur pelouse. Si je ne crois pas en Dieu, j’ai bien conscience que les églises restent un lieu paisible où on ne craint rien et qui force le respect rien que pour ce point. Afin d’éviter la situation du Salvador où nous nous sommes faits rentrer dedans pendant une heure pour avoir osé avouer notre athéisme, je dis que je suis catholique quand ils me posent la question. Au final, ma famille a un background catholique que j’assume sans souci. La religion ne m’est pas utile mais elle l’a été pendant des centaines d’années pour ériger un semblant de socle commun de lois de bon sens entre les hommes.
Je regretterai cependant de leur avoir dit ça (que j’étais catholique) pour deux raisons. Premièrement, j’ai découvert qu’ils ne m’auraient sans doute pas casser les pieds comme la dernière fois. Deuxièmement, juste avant de partir et de les remercier, j’ai été invité à une prière commune. Pourquoi pas, je m’attendais à quelque chose de classique et je rentre serein dans l’église. Ils débutent alors un chant style gospel où tout le monde tape dans ses mains. Je trouve ça sympa et participe même si je ne pige pas un mot du dialecte. Puis, après avoir annoncé une prière, ils se mettent à prier yeux et poings fermés en criant chacun de leur côté que Dieu allait me protéger, en anglais cette fois. Ce qui est gentil également mais m’a quand même poussé au bord du fou rire pour la manière. Ils poursuivent ensuite avec Chi Banana (c’est le nom d’un des pasteurs, ça veut dire « grosse banane »… parce que son grand père avait une bananeraie, ça ne s’invente pas) qui récite une prière, toujours à mon intention, dans un style plus calme et traditionnel. Et pour finir en beauté, on me demande de prier pour eux à mon tour, à voix haute. Gloup! Je ne m’y attendais pas à ça et j’avais jusqu’ici à moitié fermé les yeux pendant les prières pour faire bonne illusion. J’ai donc improvisé un mix de remerciements que je comptais de toute façon leur servir et du « God bless you all » pour m’en sortir, c’est passé. Pfiuuu, j’en ai rigolé pendant une heure sur mon vélo. C’était quand même plus sympa que le Salvador et cette fois, c’est de ma faute. La prochaine fois je serai plus honnête, tant pis si je dois essuyer la foudre.

Et n’oubliez pas le conseil hygiène avant de sortir du Malawi :

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Safari cycliste au Botswana

Je n’ai pas vu les plus beaux paysages du Botswana donc ne m’en voulez pas si je n’en parle pas. Je me suis contenté de suivre la route principale jusqu’en Zambie, surtout par manque de temps. Et pourtant, il s’est passé beaucoup de choses pendant ces quelques jours.
Frustré de n’avoir pas pu me payer les excursions safari trop chères d’Afrique du Sud, j’apprenais peu avant la frontière que le Botswana allait m’offrir ce plaisir gratuitement, et en vélo. Vous me direz, les lions en liberté, les bestioles, comment on gère ça en vélo? Ça a aussi été ma première question mais tout le monde se voulait rassurant sur le fait que je devrais être OK sur la route. Je gardais quand même l’option de bifurquer au Zimbabwe au dernier moment mais ma rencontre avec Eelco, le retraité cycliste sud-africain m’avait convaincu d’y aller.

Je passais donc la frontière à Groblersburg, un village planté au milieu du bush. Comme d’habitude, on me questionne beaucoup sur mon voyage des deux côtés. Oui oui, je vis comme ça, c’est un long voyage et oui avec ce vélo, pas celui du voisin. Ils sont toujours aussi marrants au Botswana et surtout fiers que leur pays soit sûr. C’est un point sur lequel ils insisteront beaucoup au cours de mon séjour et c’est vrai qu’à aucun moment je ne me suis senti en insécurité, tout du moins à cause des gens.

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Mon parcours au sud du pays fut assez monotone. Il n’y a peu de villes et d’activités sur mon passage et les villages ne sont souvent qu’un ensemble de trois ou quatre huttes rondes en terre dispersées dans la brousse. Les habitants, peu nombreux accompagnent parfois un troupeau de chèvres au milieu du bush ou glandent à l’ombre d’un arbre. L’activité réduite au milieu des logements au toit bancal me rappelle la campagne laotienne : même climat, même ambiance, pas tellement un hasard finalement. Les Africaines portent tout et n’importe quoi sur la tête, le gamin harnaché dans le dos avec un morceau de tissu coloré : sacs de farine, eau, branches, l’une d’entre elles se promenait avec un sac « Dubai 2020 ». Les femmes travaillent plus que les hommes mais l’activité ne semble tout de même pas harassante. Tout le monde se déplace à un rythme très africain et celui qui transpire le plus dans l’histoire, c’est moi. L’horizon est aride et la chaleur s’installe logiquement au fur et à mesure que je file au nord. À coup de 100-150km par jour, on a vite fait de prendre 10 ou 15 degrés dans la semaine et cela me fait finalement le plus grand bien après quelques jours de gastro en Afrique du sud. J’ai du choper un coup de froid avec la pluie dans les montagnes du Highveld.

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J’alterne mes ravitaillements en eau entre les villes (Palapye ou Francistown) ou les petits bleds comme Serule. Je peux transporter 3 ou 4 jours de nourriture mais difficilement plus d’une journée d’eau. Certains refusent de me servir l’eau qu’ils boivent sous prétexte que je ne la supporterais pas (trop salée, c’est vrai qu’elle donne un peu soif et la courante mais rien de bien grave) et vont puiser dans leurs réserves d’eau de pluie. D’autres veulent bien m’écouter et font confiance à mon estomac canin. À Serule, on me fait attendre une demi-heure pour m’amener de l’eau qu’ils jugent correcte. Il faut dire que la plus grande partie du village est désormais fantôme depuis que le tracé de la nouvelle route le contourne et que les habitants ont fuit l’arrivée du train qui tuait le bétail. On prend soin du « white guy » un peu con qui ne veut pas utiliser les bus. Après qu’on m’ait offert une chemise en Afrique du sud, un autre citoyen de ce pays prend pitié de moi et m’offre une paire de lunettes de soleil. Un peu plus tard au Botswana, un expatrié m’offrira un bière sur la route et un couple sud-af également, de la viande séchée. Que demander de plus à ces gens? Ils sont parfaits et tous heureux de voir des cyclistes traverser leur continent. Ils aimeraient faire savoir au monde entier qu’on peut voyager sereinement dans leurs pays magnifiques.

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J’arrive à Nata après 3 jours de route. Je pensais la ville plus importante et le supermarché fait peine à voir, je n’achète que le minimum pour mon périple. Au départ, tant que je vois des panneaux signalant la présence de bétail, je pense être tranquille. Puis deux Botswaniens m’invitent alors à partager leur repas au bord de la route : du milmil (farine de maïs) avec du boeuf et des herbes, un plat traditionnel de cette région d’Afrique. Le tout se mange avec les doigts. Ils possèdent une ferme un peu plus loin et apportent le ravitaillement en bière Chibuku aux ouvriers. Les lions leur tuent régulièrement du bétail mais eux n’ont pas le droit de tuer les lions au risque d’aller en prison. Le gouvernement indemnise la perte à hauteur de 1500 Pulas alors que la bête se vend à plus de 3000 sur le marché.

Je poursuis donc en sachant que le panneau bétail n’est pas forcément synonyme de sécurité. Je commence par apercevoir quelques antilopes/gazelles puis rapidement trois éléphants, l’air pataud. J’ai peine à imaginer ces bestioles agressives. Moi, je tremble surtout pour les lions et les chauffeurs me disent en voir régulièrement au bord de la route en train d’observer les voitures. Me savoir en vélo au milieu de cette faune me fait peur et m’excite au plus au point. Je suis sans cesse partager entre l’envie et la peur d’en voir plus. Savoir que d’autres cyclistes ont pris cette route par le passé me rassure. Ma première journée se déroule sans accroc et je peux observer quelques pachydermes d’assez près. Pour peu qu’on les laisse à bonne distance, ils font leur vie sans se soucier de moi. On reconnaît assez vite les zones à éléphants par les troncs d’arbres défoncés et l’écorce arrachée.

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À 16h, j’arrive vers l’antenne relai qu’Eelco m’avait indiqué. Le petit chemin de terre y menant ne me plaît pas vraiment mais il faut bien y aller. Il n’y a personne sur place et la grille est fermée par un cadenas. Hors de question de dormir à l’extérieur avec les félins en liberté, je coupe un bout du grillage pour rentrer que je referme immédiatement derrière moi. Je passe la nuit sur un petit toit à 3 mètres de hauteur. Au moins, je dors tranquille.

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Mon petit déjeuner du lendemain sera en revanche perturbé par un animal auquel je ne m’attendais pas ici : l’abeille. Alors que je cuisinais tranquillement, des dizaines puis des centaines d’abeilles envahissent ma tente, mes affaires, tout est recouvert. Ça devient franchement agaçant, voire inquiétant. Je jette tout en bas et coure d’un coin à l’autre de l’enclos alors que je range tout péniblement pour éviter un maximum de piqures. Elles ne sont pas agressives mais je les ai un peu dérangées et me prends deux coups de dard… Le petit dej’ est foutu et je pars le ventre creux pour mon deuxième jour de savane. J’observe toujours un maximum de gazelles (ou truc du même genre) quand la circulation est réduite, une bonne dizaine d’éléphants et des zèbres.

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Un éléphant, légèrement énervé que ses petits n’aient pas osé traversé la route en me voyant au loin décide de me charger en barrissant. Je descends du vélo et recule immédiatement de 2-3 pas, il s’arrête. Je me sens tout petit, ridicule face à ce monstre. Il est à 20 ou 30 mètres maintenant. Il repart sur 4-5 mètres, je recule de nouveau, il s’arrête encore puis, au moment où il/elle avait décidé de lancer une troisième charge, une voiture arrive et le fait partir vers ses petiots. Sachant qu’il arrive que je ne vois aucun véhicule pendant 20 minutes, c’est un sacré coup de pot! L’adrénaline est au maximum et je sursaute désormais au moindre mouvement dans les fourrées. Je prends mon bâton en main, ça ne serre à rien mais ça me détend, c’est psychologique. « Croqué par un félin au Botswana », ma famille en parlerait encore pendant quelques générations mais je ne tiens pas spécialement à cette gloire posthume.

Il fait très chaud et les camionneurs prennent pitié de mon sort en m’offrant oranges et boissons de temps en temps. La route quant à elle, m’offre encore quelques vues sur des phacochères et une bande de 30 babouins en arrivant à Pandamatenga, mon refuge pour la nuit. Je passe la soirée à discuter avec une bande d’alcooliques près d’un restaurant rudimentaire en bâches plastiques. Rien de bien intéressant n’en sort mais le contact humain fait du bien avant une dernière journée dans la brousse en direction de la frontière Zambienne. Ils me rassurent encore une fois sur les lions qui dorment au loin quand il fait chaud et qui fuient si on leur fonce dessus. On verra pour cette option.

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On me promet girafes et lions pour le lendemain, je n’aurais finalement droit à rien du tout malgré que les automobilistes me jurent en avoir vu une heure après mon passage. Tant pis pour moi, j’ai droit à quelques buffles au loin (animal peureux et pacifique en Asie et très dangereux en Afrique), des phacochères, des babouins et une espèces d’oiseau énorme type ptérodactyle des temps moderne. Je traverse ensuite le fleuve Zambèze sur une barque pour atteindre la Zambie avant me rendre à Livingstone pour aller voir les chutes Victoria. Malgré d’autres promesses d’animaux en Zambie, rien n’arrivera. Les chutes Victoria sont en revanche magnifiques, entourées d’une brume et d’un arc-en ciel permanent, le brouhaha assourdissant est à la hauteur du paysage offert. On tente d’abord de se protéger de la pluie que les chutes projettent avant de se laisser emporter par la magie du Zambèze, trempé, en tentant d’observer le fond du gouffre masqué par la brume. Quelques Africaines en visite entonnent des chants rythmés qui ajoutent de la couleur à l’endroit et quelques chanceux survolent le tout en deltaplane, comme Belmondo dans « Itinéraire d’un enfant gâté« . Je reste profiter du lieu jusqu’au coucher du soleil.

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Demain, je m’offrirai quelques jours de repos après 3000km pédalés en un mois et je campe un dernier soir près des chutes, en bordure du Zambèze et de son débit impressionnant, gardé par un type armé d’une kalashnikov car les hippopotames ont l’habitude de s’aventurer sur mon aire de repos.

Cela conclue superbement et paisiblement ces quelques jours au milieu des animaux. L’Afrique me procure tous les jours un maximum d’excitation et d’adrénaline, des rires, des chants, des sourires en pagaille. J’ai rarement pris autant de plaisir au cours de ce voyage.

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Pour ceux qui ont 50 minutes à perdre, j’ai exceptionnellement fait une vidéo de mon safari que vous pouvez visionner ci-dessous. Il y a de vrais morceaux de gros mots et je me plante régulièrement sur les noms des animaux, c’est du live.

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