À Madagascar, on ne rigole pas avec la loi

À Kampala (Ouganda), trois semaines après avoir croisé mon ami Florian à Mbeya (Tanzanie), je me voyais successivement refuser les visas Ethiopien et Saoudien (je ne voulais qu’un jour de transit pour faire les 50km entre les Émirats et le Qatar), pendant qu’il voyait son arrivée à Madagascar compromise par des douaniers un peu trop scrupuleux. Nous avions déjà fait part dans un précédent article de notre amour incommensurable pour les douaniers et de quelques moyens pour les berner. De sa plume, il livre à son tour son expérience des uniformes, malgaches cette fois :

Après trois mois et demi à arpenter l’est de l’Afrique je m’envolais gaiement rejoindre un pote à Madagascar. D’après ses retours, Mada c’est la fête permanente et nous allions bien en profiter. Bref j’étais impatient d’autant plus que j’allais revoir mon plus vieux compagnon de voyage.

J’arrive donc à l’aéroport d’Antananarivo et commence les formalités administratives : check de santé, achat du timbre et queue pour l’obtention du visa.
Une fois au guichet je vois qu’ils vérifient scrupuleusement si l’on a son billet de retour, je n’en ai pas, je n’en prends jamais pour garder de la flexibilité dans mes voyages. Une fois au guichet, cela devient un gros problème et on me met sur le côté.
Ce n’est que le début d’une longue attente, 27 heures en tout, pour que l’on décide quoi faire de moi qui viens de commettre une si grave infraction aux règles de l’administration Malgache.

Quand on m’emmène au bureau de la douane je ne m’inquiète pas. Je n’imagine pas qu’une broutille comme ça puisse être grave, au pire j’achèterai un billet retour immédiatement ou lâcherai un backschich. J’attends donc, longtemps, je m’emmerde et je tourne en rond. Autour de moi les douaniers sont estomaqués, venir à Madagascar sans un billet retour c’est inimaginable, inconscient, presque criminel. J’ai beau leur dire que j’ai déjà été dans plus de vingt pays, y compris la Russie et la Chine, sans aucun souci, ils sont inflexibles : dans les autres pays peut-être, mais à Madagascar on respecte les règles!
Après deux heures d’attente, je rencontre enfin le chef, en costume militaire, belles épaulettes et chaussures de luxe, il prend l’affaire très au sérieux.
Je m’explique, lui dis que je peux acheter un billet s’il le faut, et avec tous les sous-entendus que ça implique, qu’il y a forcément un moyen de « s’arranger » (il y a cinq personnes autour de nous je ne peux pas lui proposer d’argent devant eux). Il rigole méchamment et me dit qu’il doit réfléchir.
Au bout de quelques temps un employé d’Air Madagascar vient me voir et me propose de réserver un faux billet pour dans trois jours, comme ça j’aurai un visa provisoire et après à moi de me débrouiller pour le faire prolonger. Ça marche pour moi, on fait la commande, on imprime et on retourne voir le chef. Mais non ce n’est pas si simple, si j’ai un avion dans 3 jours je vais devoir attendre 3 jours à l’aéroport. J’abandonne donc l’idée et me prépare à passer la nuit à l’aéroport.

Au cours de ces 27 heures j’ai eu le temps de causer avec tous ceux qui ont un problème avec la douane. Il y a un Kenyan qui a bien un billet de retour mais qui visiblement ne plaît pas aux douaniers, il attendra trois heures avant d’obtenir son visa, pendant lesquelles il n’a jamais bien compris pourquoi il était là. Il y a aussi une Malgache, qui veut partir en Chine mais a un problème de visa. Pour une mystérieuse raison, au lieu de rentrer chez elle, elle restera avec nous pendant 24 heures. Le troisième est un Turc qui par je ne sais quel miracle a un visa touriste et un visa étudiant qui commencent le même jour, un crime odieux qui mérite certainement l’expulsion.
Mais le plus chanceux d’entre nous c’est Thomas le Camerounais, il est volontaire pour une église depuis trois mois, pour faire renouveler son visa il a fait un aller-retour aux Seychelles. Là-bas ils l’ont expulsé parce qu’il n’avait pas assez d’argent. Il restera 24 heures à la douane avant de subir un interrogatoire de police puis trois jours de prison, le temps de trouver les fonds pour payer son retour au Cameroun. Le pire dans tout ça c’est qu’il est ami avec un des douaniers.
Parmi les flics certains sont assez sympas, nous accompagnent manger, nous installent pour dormir. Du coup on discute un peu et je vois qu’eux aussi trouvent ça stupide. Il y en a même un qui connait l’étudiant Turc et essaie de l’aider, je lui saute dessus et lui demande de parler au chef pour moi, il s’enfuit presque en courant… Pas bon signe ça.

Tous mes collègues d’infortune restent d’un calme olympien, assis sur leurs chaises à rien faire. Je ne sais pas comment ils font, moi je tourne en rond d’ennui et de rage, je demande toutes les 2 heures où ça en est. Au bout d’un moment je pète un plomb et je gueule, ça fait plus de 15 heures et va falloir trouver une solution avant que je doive passer une autre nuit à l’aéroport. Du coup on me dit que le chef suprême a décidé et que je rentre à la maison par le premier avion. Pas de possibilité d’arrangement, de pot de vin, rien. Je suis expulsé.
Voilà, je dois donc prendre un billet, à mes frais bien sûr. L’administration locale étant d’une efficacité redoutable, ça prendra bien 3 heures (il faut dire que je trouve tout les moyens de faire chier, c’est ma petite revanche mesquine).
Ils refuseront catégoriquement que j’aille ailleurs qu’en France, parce qu’ils sont persuadés qu’aucun pays ne me donnera de visa sans billet de retour…
Il y a bien la possibilité d’aller à La Réunion mais il faut attendre un jour de plus ici, et à ce moment je n’ai qu’une envie c’est de partir de cet endroit.
Juste avant mon départ le chef des douanes me dira qu’ils ont expulsé vingt personnes pour la même raison depuis le début de l’année, et qu’il ne décide pas des lois mais se contente de les appliquer, bête et méchant. Je suis tombé sur le seul type du pays qui respecte la loi, c’est quand même con.

Le pire dans cette histoire c’est que je connais au moins deux personnes qui sont rentrées dans le pays sans billet de retour…




Ouganda et Kenya, États soeurs

Mon dernier mois en Afrique se partageait entre l’Ouganda et le Kenya, environ quinze jours dans les deux pays qui se ressemblent beaucoup. Les résidents bondiraient en lisant ça, et on m’opposera que l’un est de cultures Swahili, l’autre de je ne sais quoi, qu’ils ne parlent pas les mêmes langues ainsi que d’autres futiles détails. Bref, je ne fais pas ces différences là. Les paysages étaient grandement similaires et les bergers qu’ils soient Maasai au Kenya ou du nord de l’Ouganda se ressemblent grandement. Quant au reste, c’est ce que j’appelle désormais la culture de l’ugali comme on pourrait parler de la culture kourgane. La culture de l’ugali se répand du Botswana au Kenya et consiste à manger cette pâte de maïs (l’ugali donc, que j’ai déjà évoqué dans d’autres articles) à tous les repas et en grande quantité. Elle consiste aussi à toujours avoir un sourire contagieux et à crier Mzungu! ou Chuck Norris sur mon passage.

Je prépare à manger, c'est super cool!

Il se passe systématiquement beaucoup de choses en Afrique et j’ai préféré raconter quelques anecdotes qui m’ont marqué plutôt que de suivre un ordre chronologique un peu ennuyeux.

Mon séjour à Kampala se soldait sur la soirée de la finale de Ligue des Champions entre la Juventus et Barcelone. J’ai rarement l’occasion de débrancher mon cerveau en buvant des bières devant le football quand je voyage. C’était donc une soirée de repos très importante pour mes neurones et je me rendais avec mon ami Dennis dans un bar peuplé d’Ougandais afin d’analyser finement ce qui se passait sur le rectangle vert et d’échanger de puissants arguments footballistiques.
Mais ce qui allait le plus nous choquer n’était ni l’arbitrage, ni le talent de Yoyo l’Argentin, ni l’art capillaire débridé qu’arboraient les joueurs : nous étions harcelés comme jamais par la gent féminine. Et je ne parle pas de professionnelles. On a tous les deux pas mal baroudé autour du monde et il nous en faut quand même un peu pour nous étonner. Eh bien ce soir là, c’était Calmos. Je fais bien sûr référence au film de Blier fils, un chef d’oeuvre avec Blier père, Marielle et Rochefort où nos protagonistes s’enfuient à la campagne pour échapper à l’appétit des femmes. Nous fêtions une fois encore nos retrouvailles surprises à l’autre bout du monde et étions engagés dans des conversations houblonnées qui ne laissaient aucune place à ces dames. Celles-ci, en désespoir de cause, en venaient à nous payer des bières dans une danse du ventre effrénée qui ne faisait qu’aiguiser notre intérêt pour la susdite boisson. Nous étions obligés de parler de nos mariages respectifs pour s’en dépatouiller, et il fallait encore argumenter pour éloigner temporairement le danger. Un défilé de deux ou trois heures pendant lequel je n’aurai jamais cru avoir à repousser autant d’avances en si peu de temps. Il faut dire que les Africaines ont souvent un comportement assez direct et sexuel. Dans notre auberge, un américain de 60 ans sortait avec des minettes de 30 ans… Il est aussi arrivé plusieurs fois qu’on me propose un lit commun pendant que je pédalais (ce n’est jamais arrivé sur d’autres continents). Au risque d’étonner, je n’ai jamais accepté : après 80/100km de vélo, tout ce dont je rêve est de m’enfiler ma popote de riz et m’endormir sur mon bouquin sous ma tente, le reste n’existe pas. Et pour être tout à fait honnête, toutes les protagonistes n’étaient pas désirables non plus…

Le lendemain de cet épisode scabreux, je reprenais la route en direction de Gulu sans avoir de but bien précis. Le nord du pays, personne ne m’en parlait et j’en avais donc conclu avec raison que mon passage y serait apprécié (j’ai d’ailleurs eu droit à une interview sur une radio locale, Rupiny FM, en arrivant à Gulu).

À la sortie du local de la radio

C’est en chemin pour le nord de l’Ouganda que je commençais à connaître mes premiers problèmes de camping. Je me suis longtemps moqué de ces populations qui entassaient leurs maisons sur un petit périmètre entouré d’immenses plaines vierges. Je ne pouvais pas reprocher ça aux Ougandais et aux Kenyans qui font preuve d’une répartition des propriétés remarquables rendant tout camping sauvage particulièrement ardu. J’ai habituellement l’option de demander l’hospitalité des locaux dans leur jardin ou dans les écoles, mais ceux-ci, effrayés par la proximité d’Al-Shabab et ma barbe de trois mois en faisaient systématiquement tout un cinéma impliquant généralement mon réveil et/ou mon déplacement par la police une fois tout mon barda déballé. Ô joie! d’avoir à replier toutes ses affaires sous la pluie parce qu’on pense que vous allez égorger tout le monde. Quel plaisir d’être réveillé à minuit par quinze gus’ armés qui veulent checker votre identité…

Ils attendent les terroristes...

J’ai par exemple été viré d’une école à Kotido en Ouganda où l’on m’avait accepté alors qu’il pleuvait des cordes, parce que la police avait fini par les convaincre que j’étais un danger. Ma pire soirée fuit celle d’Eldoret au Kenya. Habitué à la crainte que j’inspirais aux locaux (ma barbe faisait qu’on m’appelait successivement Al-Shabab, Jésus, ou Chuck Norris, trois bonnes raisons de ne pas me chercher des noises!), j’anticipais et me rendais à deux postes de police pour y poser ma tente comme j’en avais pris l’habitude. Je leur explique que si je ne peux pas dormir là, il y a 90% de chances qu’ils doivent se déplacer plus tard. Résultat : deux refus assortis d’un compteur de vitesse perdu et d’une malléole fêlée en me faisant tomber le grand plateau du vélo sur le pied (les perdreaux m’ont regardé d’un drôle d’air quand j’ai crié tous les jurons français de mon répertoire sous la douleur). La soirée de rêve donc, mais ce n’était pas fini. Je trouvais finalement refuge à la cathédrale d’Eldoret où le gardien accepta gentiment que je pose ma tente sur l’immense pelouse alors qu’il fait déjà nuit noire. 23h30, je dors profondément, serein, la malléole en feu. Pouf, on secoue ma tente, on veut que je sorte. J’enfile une chemise et mon pantalon et sors pieds nus à la rencontre de… la police et son escouade anti-terroriste que j’avais vue 4 heures auparavant. Ils me bombardent alors de questions stupides et je réponds comme jamais je n’ai parlé à un flic, ma frontale braquée sur leurs visages, pas d’humeur à un interrogatoire prolongé. Au bout de cinq minutes, c’est bon, je ne suis pas un terroriste, je peux rester… Va te rendormir après ça! J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs cellules anti-terroriste au Kenya et beaucoup de policiers Ougandais et Kenyans : Al-Shabab peut courir tranquille. Ça fait même parfois peur de savoir la police armée et de ne pas l’être soi même…

Après cette soirée mouvementée, je me promenais avec des lettres de recommandations du prêtre et de la police, ce qui facilitait grandement mon établissement nocturne. La police elle-même m’envoyait parfois en camping chez le curé (car j’avais une lettre de la cathédrale d’Eldoret). C’est ainsi que je fus invité à assister à une messe dans la campagne kenyane après avoir passé la nuit dans un presbytère. J’avais prévenu que je n’étais pas croyant pour dissiper les malentendus mais acceptais l’invitation, plutôt curieux de voir le déroulement d’une messe en Afrique. Les lectures et les sermons sont similaires à ce que je connais de la France mais les chants et les danses sont beaucoup plus colorés, rythmées. Sur les 400 participants, je suis le seul blanc de l’assemblée et ma présence est vite remarquée, surtout lorsque j’entends le curé utiliser le mot « mzungu » (white man) dans des sermons qu’il me traduit par la suite. Je suis la star de l’église et les gamins sont plus souvent retournés vers moi que vers l’orateur. Au bout d’une heure et demie, je m’éclipse discrètement pour aller chercher mon vélo et attendre le père Jacob dehors, le remercier de son hospitalité. Je provoquais alors une véritable exode des jeunes et, avant même que j’ai eu le temps de fendre la mer, le curé me demandait de revenir pour… saluer l’assemblée! « Tiens prends le micro et présente-toi, tu les salues« . Ma première pensé a sans doute été quelque chose comme « Eh meeeeeeerde! » accompagné d’un grand sourire. Je ne me souviens plus vraiment de ce que j’ai dit mais on m’a applaudi, ça a dû leur plaire.

Le père Jacob parle de moi (il a insisté pour que je prenne des photos)

Après l’expérience des pistes tanzaniennes, je me suis replongé dans la poussière des routes africaines au nord de l’Ouganda et je fus d’abord agréablement surpris par leur état relativement bon. Car comme tout le monde, je préfère rouler sur un bon bitume bien lisse mais les pistes assurent un dépaysement qu’on trouve rarement ailleurs. C’est ainsi que j’ai par exemple roulé sur des kilomètres de routes cernés de papillons, dans un calme olympien au milieu d’une nature superbe. Que j’ai rencontré les tribus en tenues traditionnelles, qui, fautes d’être souriantes, ont le mérite de savoir quel chemin prendre quand il manque un panneau au milieu du bush. On m’avait annoncé des guerriers, j’ai surtout vu des éleveurs de chèvres à moitié à poil, un grand bâton dans une main pour taper sur le cul des vaches, le portable écran tactile dans l’autre (je caricature mais c’est arrivé…). Et quand ils n’avaient pas de téléphone, ils se promenaient avec un petit siège en bois à un pied pour se reposer ou dormir au bord de la route. Tous ces peuples c’est bien joli sur les photos mais c’est, je crois, voué à disparaître prochainement. Il y a d’abord l’agriculture moderne qui ne leur laissera bientôt aucune chance de subsister autrement que par l’autosuffisance, et puis la technologie poussera les jeunes à envisager un autre mode de vie : les jeunes Maasai aussi s’émoustillent devant le clip de Rihanna quand ils y ont accès. D’ailleurs pour ce qui est des Maasai, ils vivent déjà plus ou moins dans des réserves où les gros 4×4 de safaris s’entassent pour les photographier entre deux lions qu’ils ne chassent plus depuis longtemps. Du coup, les voir plus ou moins abandonner leur culture plutôt que de s’adonner au « photo-dollar » des ethnies en perdition me réjouirait assez.

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En parlant des lions, ça restera comme mon principal regret d’Afrique, un continent que j’ai adoré autant pour ses habitants que ses paysages. J’avais soigneusement évité tous les parcs nationaux et safaris hors de prix jusqu’à maintenant mais je voulais avant de partir voir des bestiaux depuis mon vélo. Le parc Naivasha, juste avant Nairobi me semblait idéal puisque pour 35$ je pouvais m’y promener en vélo. Ça serait ma seconde folie touristique financière africaine après les chutes Victoria. Je notais que le prix d’entrée du parc était passé de 15$ à 30$ en quelques années mais que pour 15$ de plus, on avait toujours pas droit à un plan papier (ni d’informations de la part du cerbère qui vend les tickets) et je prenais donc en photo le petit plan à l’entrée où vous remarquez comme moi les signes « Road closed! ».

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Il était 14h et j’ai pensé qu’en partant d’Elsa gate, en passant via les Olijowara gorge et en remontant vers l’Olkaria gate, je verrai mon lot de faune.
Mes débuts me font rêver : le cadre est magnifique et les zèbres, antilopes et phacochères courâtent aux alentours de mon vélo pour mon plus grand bonheur. Seulement, pour faire court, la deuxième partie du parc est une immense usine géothermique qui ne se termine qu’à la sortie où j’apprenais que le reste des bestiaux se trouvaient où je pensais le parc fermé et où je n’avais plus le temps d’aller. Ah les pendards! Comme j’essaye de plus en plus à trouver du positif dans les situations merdiques (pour éviter les « nervous brekdown » comme dirait Paul Volfoni), ma sortie prématurée m’a permis de voir un girafeau échappé du parc et j’ai pu rencontrer un cycliste aussi pouilleux que moi sur la route avec qui j’ai passé ma dernière soirée camping au Kenya. Une aire camping où les hippos sont sensés venir brouter la nuit. Mais comme je l’avais prédit à mon acolyte, « je suis là, tu ne verras aucun hippo cette nuit« . Heureusement, il avait du whisky.

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Et puis je ne pouvais pas finir sans parler de tous ces gamins qui m’ont couru après le long des pistes, m’ont salué vigoureusement, ont hurlé, éclaté de rire ou en sanglots sur mon passage, ont parfois fuit ou accouru en m’apercevant. Le jour le plus extraordinaire a été lors du passage de la frontière entre Sipi et Suam river. Sur une piste extrêmement mauvaise, glissante, en montagne, j’ai été poursuivi par des centaines de petits Mogwaï en furie. Leur course folle commençait souvent quand je passais devant leur école : un, deux partaient, trente suivaient. Puis, au bout de dix minutes, quand les derniers étaient fatigués, je repassais devant une autre école ou une autre bande qui imitaient immédiatement leurs prédécesseurs et prenaient le relais. Ma faible vitesse faisait qu’il me suivaient souvent sur plusieurs kilomètres, souvent pieds nus. Ma journée s’est finie au Kenya, de nuit, sur une route boueuse en pente où je glissais constamment dans la gadoue au milieu des camions embourbés. J’ai fini à 21h, lessivé, les fringues maculées de terre qui coinçait aussi mes roues. J’ai mis 8h30 pour faire 90km, un enfer. Eh bien c’était une des meilleures journées du voyage! Merci les mômes!

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