Célébrons Bacchus, Dieu de l’ivresse

Aujourd’hui, pas de vélo, de camping ou de douaniers tatillons, nous allons parler picole et louer l’éthanol. Après tout, le nom de notre site rend directement hommage aux vertus de l’alcool et du voyage et nous n’en avions encore jamais vraiment parlé. Afin d’être tout à fait précis, l’idée de cet article m’est venu en lisant Drink, a cultural history of alcohol (un livre admirable), tout en voyageant en Oman, un pays plus réputé pour ses dunes de sable que ses brasseries artisanales. Et ce sont pourtant les Arabes qui ont donné son nom à cette merveilleuse molécule en l’appelant « le mascara » du vin : Al-Kohl.

Lion King, le whisky moins cher que l'eau sur Don Det island

Lion King, le whisky moins cher que l’eau sur Don Det island

Je ne vanterai pas personnellement les effets de l’ivresse sur un vélo. Le peu de bières que nous avons avalées avant de rouler nous ayant coupé toute motivation au pédalage. Cependant, à l’époque du Tour de France (je veux dire, quand ils faisaient vraiment le tour, pas le petit circuit touristique d’aujourd’hui), certains ont su bénéficier de ses effets. Beaucoup de coureurs en avaient dans les gourdes en guise d’énergisant. René Pottier sur le Tour 1906, grisé par son avance considérable sur ses poursuivants, s’arrête dans un troquet lors de la cinquième étape et commande une bouteille de vin qu’il boit presque entièrement avant de les rejoindre à leur passage et de s’offrir le luxe de remporter l’étape. En 1950, Abdel-Kader Zaaf est pris de malaise et les spectateurs qui n’avaient pas d’eau sous la main (la belle époque!) l’asperge de vin pour lui faire retrouver ses esprits. Zaaf se remet en selle… mais repart dans le sens inverse jusqu’à rencontrer la voiture balai, auréolé d’une odeur toute particulière.

Devant un bistro de Dien Bien Phu

Devant un bistro de Dien Bien Phu

Si ces anecdotes ne prouvent rien en soit sinon que l’alcool est source de rire, il faut se souvenir que sans vin et bière, l’humanité n’en serait pas à ce stade de développement aujourd’hui. Pendant de nombreux siècles, les boissons alcoolisées constituaient le seul liquide sain à ingurgiter, l’eau étant liquidus non grata et vecteur de maladies. Évidemment, ce schéma s’est totalement inversé pendant les quelques périodes de prohibition aux USA et en Russie notamment où, comme l’évoque Francis Blanche dans les Tontons : des clients devenaient aveugles, ça faisait des histoires. Rien d’étonnant lorsqu’on lit les recettes qui se vendaient à l’époque. En URSS, voici un cocktail que donne Venedikt Erofeev dans son livre Moscou-sur-vodka : 100g de bière Zhiguli, 30g de shampooing, 70g de solution antipelliculaire, 12 g de super glue, 35g de liquide de frein, 20g d’insecticide. Le tout à a faire mariner une semaine avec du tabac à cigare. Certaines recettes sous la prohibition américaine n’ont pas à rougir : le liquide de frein et l’essence étaient de grands classiques pour diluer l’alcool. Vouloir interdire l’alcool, c’est un peu comme empêcher les gens de vivre. D’ailleurs, entre prohibitionnistes et assassins, j’affirme qu’il faut franchir le pas. Nous pourrions illustrer ceci à l’aide d’un joli point Godwin puisqu’Adolf, qui ne buvait pas, avait pris parti d’interner les alcooliques dans les camps en leur attribuant le triangle noir. Je précise par mesquinerie qu’il était aussi végétarien. Je dis ça…
Ainsi, les circonstances de son suicide s’éclaircissent. Il n’a tout simplement pas supporté de perdre la guerre contre Churchill et l’oncle Jo de Russie, deux alcooliques notoires.

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S’il est aujourd’hui difficilement imaginable de concilier armes et boissons, les armées ont longtemps été inondées en vin. Pendant la guerre de 14, le ravitaillement en vin était une des préoccupations majeures. Le vin était réputé pour donner force et courage aux combattants. Deux millénaires plus tôt, les légions romaines étaient également largement fournies par amphores et tonneaux sur les champs de bataille. Les Romains utilisaient aussi parfois la picrate comme tactique pour saouler les peuples barbares et les massacrer plus facilement. Partons encore plus loin dans l’antiquité du temps d’Alexandre le grand. Celui-ci était connu pour son goût immodéré pour le vin et n’hésitait pas à prendre des décisions saoul comme un cochon. A-t-il perdu la guerre? Alors! Bon. En face, chez les Achéménides, on n’était pas en reste. D’après Hérodote, le pinard était utilisé pour prendre des décisions importantes. Ils discutaient d’abord des différentes options ivres, puis s’ils prenaient la même décision sobres le lendemain, c’était adopté. Ils pouvaient aussi le faire dans l’autre sens : sobres puis ronds. Certes, ils ont perdu la guerre, mais leur Empire n’avait rien de ridicule pour des saoulards dans leur genre. Darius Ier, leur roi le plus illustre avait comme épitaphe : « J’étais capable de boire une bonne quantité de vin et de bien le supporter. » Rions dans les cimetières!

Dans un troquet de Rangoon

Dans un troquet de Rangoon

Longtemps, les peuples de l’antiquité ont vénéré Bacchus (ou Dyonisos), Dieu du vin, de l’ivresse et des débordements sexuels. Priape étant son fidèle compagnon, on imagine à quoi ont pu ressembler les bacchanales, ces joyeuses fêtes romaines célébrant leur Dieu préféré. Le carnaval est d’ailleurs une des survivances des bacchanales. Je milite avec enthousiasme pour qu’on lui redonne son sens originel.

Plus près de nous, Alfred Jarry a abhorré l’eau comme personne : les anti-alcooliques sont des malades en proie à ce poison, l’eau, si dissolvant et corrosif qu’on l’a choisi entre autres substances pour les ablutions et lessives, et qu’une goutte versée dans un liquide pur, l’absinthe par exemple, le trouble.
Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, tous accrocs. Bref, l’alcool a toujours joué un grand rôle dans nos sociétés et je cois sincèrement que nous avons perdu beaucoup de la convivialité de l’alcool. Combien de fois ai-je bouillonné en entendant « Un dernier verre et j’arrête parce que je commence à être pompette« . Mais saoule-toi nom de Zeus! Boirions-nous toujours autant de vin sans l’ivresse qu’il procure? Alors! Profitons de cette sensation plus souvent, elle est merveilleuse. Je me dois ici de placer un autre petit Audiard : « Si quelque chose devrait me manquer, ce ne serait pas le vin, ce serait l’ivresse » (Un Singe en hiver)

Évidemment, avec les exemples que je donne, je pourrais tout aussi bien faire l’éloge d’autres drogues, parler des restes de pavot retrouvés dans les grottes du paléolithique et finir sur les mêmes illustres artistes. Ça ne me dérangerait qu’à moitié mais je préfère le génie de l’éthanol. Oui, le génie! Sinon, comment expliquer que la découverte de l’alcool précède celle de la roue? Les Aborigènes d’Australie n’avaient pas la roue au 18ème siècle, leur grand tort est de n’avoir jamais découvert l’alcool. CQFD. Et s’ils sont aujourd’hui ivres du matin au soir, c’est pour rattraper le temps perdu.

Laolao whisky

Laolao whisky

Surf sur le toit d'un tuk-tuk

Surf sur le toit d’un tuk-tuk

Un génie qui nous aura aussi fait passer de merveilleux moments durant notre voyage autour du monde. Je me souviens de cette soirée avec des pêcheurs de Moldavie qui ne parlaient pas un mot d’anglais, dans une cabane en bois éclairée à la bougie. Nous avons tous fini complètement ivres et hilares. Imaginer la même soirée sans une goutte de leur piquette infâme me fout le bourdon. Un peu plus loin en Russie, les trains sont remplis de Slaves souhaitant partager leur vodka. Le transsibérien fut le lieu imprévu de quelques saouleries mémorables où là encore, l’alcool fit des miracles de compréhension entre les peuples. Et l’Asie du sud regorge de locaux prêts à se mettre à l’envers pour boire un coup avec un falang.

Mr Theeb nous a rincé toute la soirée. On ne pouvait pas partir, il pleuvait...

Mr Theeb nous a rincé toute la soirée. On ne pouvait pas partir, il pleuvait…

Pavel m'a tuer

Transsibérien, Pavel m’a tuer

Moscou-Irkutsk sans vodka? Sans moi. Le Laos sans leur immonde vitriol aux serpents? Quelle infâmie! J’aurais encore des dizaines d’anecdotes en Chine, en Birmanie, en Thaïlande, au Viet-Nam où l’alcool nous a permis de tisser des liens avec des autochtones que nous aurions ignorés dans des circonstances plus sages. Eux aussi d’ailleurs. Je n’oublie pas non plus mes superbes soirées désinhibées à San Francisco, San Jose, Mbeya, Kampala et South Hedland. Je me souviens de chacune d’elles, du plaisir que j’en ai retiré, de ce qu’elles m’ont apporté. J’ai passé deux ans en Australie avec une bande d’assoiffés géniaux. Les premiers souvenirs qui me reviennent systématiquement à l’esprit sont nos nuits terminées par une Salsa du démon dans un camp de dealers/junkies/réfugiés politiques. Pas besoin de faire un dessin. Ça ne m’a pas empêché de faire plus de 30 000 km en vélo. Peut-on s’amuser sans s’intoxiquer? Oui oui. J’adore jouer aux échecs, mais comparons ce qui est comparable. Je parle ici d’évasion, d’orgasme alcoolique, d’une virée dans les étoiles, d’oublier un moment tout ce qui m’emmerde et de m’envoler avec des collègues qui partagent la même passion. Albert Quentin décolle pour la Chine, Fouquet fonce en Espagne et « moi, moi qui suis resté le plus fier », moi, je chante encore et toujours mon répertoire de paillardes. N’ayons pas la cuite mesquine!

Les pêcheurs moldaves

Les pêcheurs moldaves

Quant aux austères, aux partisans de la tempérance, les eschatologues de l’alcool, ils sont encore plus imbuvables qu’une bonne gueule de bois. Ça ne mérite même pas qu’on en parle tiens! Et puis au moins, la gueule de bois, ça se soigne.

Je profite une dernière fois pour recommander le livre de Iain Gately, Drink, rempli d’anecdotes historiques croustillantes célébrant Bacchus et ses disciples. Et à votre santé!

Au stade de Vientiane, Alex supporte les joueurs depuis le bord du terrain

Au stade de Vientiane, Alex supporte les joueurs depuis le bord du terrain




Le golfe arabique, de Salalah à Doha

Salalah. Je n’en avais jamais entendu parler avant de regarder les billets d’avion depuis Nairobi. Cette « petite » ville au sud de l’Oman était la destination la plus proche du Kenya après le refus de mon visa éthiopien et tout ce que je savais en arrivant était que j’arrivais à la pire saison pour voyager en Oman, qu’un désert de 1000km me séparait de Muscat, la capitale Omanaise, et que je suis en plein mois du Ramadan pendant lequel il est illégal de manger et boire en public sous peine d’amende. Oooooh les belles conditions!

Le désert, tous ceux qui m’en parlaient me promettaient l’enfer et un couple de cyclistes Suisses qui avait préféré le faire en voiture m’avait même averti de terroristes venant du Yemen et de villages assez éloignés les uns des autres pour que je me dessèche au milieu. J’hésite même lors de mon escale à Sharjah à ne pas prendre mon deuxième avion car je ne vois pas l’intérêt de descendre tout au sud du pays pour remonter en stop au nord…

Et puis je suis tout de même arrivé à Salalah, à 21h. Je ne connais personne, ne sais pas où aller et je finis par me trouver un coin camping dans le lit d’une rivière asséchée où j’ai pu constater que le taux d’humidité allait sans doute être bien pire que la chaleur elle même.

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Au matin, je me promenais dans une ville jolie mais close pour cause de Ramadan, les premières enseignes n’ouvrant que vers 10h. Je trouve immédiatement l’architecture arabe très soignée, fine. C’est travaillé mais sans excès. Le tout dégage une impression de pureté et leurs mosquées sont magnifiques.

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Je découvrais avant de partir le nouveau nom de Mc Donald’s et les salles de prière dans les supermarchés, une pour chaque genre, puis je m’informais dans une station de police des conditions sous lesquelles je pourrais boire et des différentes options routières dont je disposais. Après un accueil assez froid, la tolérance alimentaire pour les cyclistes semble être de mise (disons que je ne risquais pas de me retrouver en prison pour un sandwich, sauf à les provoquer bêtement) et il semble n’y avoir qu’un seul chemin possible : la route principale. Eux aussi me prenaient un peu pour un fou mais je voulais de plus en plus relever le défi. Surtout qu’il n’y avait visiblement aucun risque yemenite.

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Je partais ainsi vers midi – comme chacun sait, l’heure idéale pour pédaler sous la chaleur… – en direction de Muscat, 1040km plus loin, ainsi que l’indiquaient les premiers panneaux. Harnaché de 20 litres d’eau, j’ai rapidement prié pour que la montagne de 700m après la ville ne se répète pas trop souvent et se transforme en une route d’huile. Et Allah m’entendit gémir puisque les 1000km suivants se feront sur du plat, vent dans le dos et sable dans les yeux, ce qui contribuera avec la chaleur à achever mon appareil photo et faire exploser trois fois ma chambre à air pendant mes siestes. Sur ce coup là, Allah fut toujours tout puissant mais déjà beaucoup moins grand.

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Le deuxième jour allait voir mon enthousiasme s’évaporer après 208km sous le soleil du désert. À 16h30, je m’arrête pour une courte pause, pensant poursuivre mon effort jusque tard le soir. Je m’installe dans le seul coin d’ombre possible, sous la route, et me réveille une heure plus tard perclus de crampes, de vertiges et auréolé d’un mal de tête divin qui durera trois jours. Je me souviens avoir dévoré mon paquet de sucre avant de m’endormir pendant 12h à même le sable. L’insolation stupide. Le con qui roule va plus loin que l’intellectuel assis mais n’oublie pas qu’il est con avant tout.
Les jours qui suivirent furent donc beaucoup moins drôles et je pensais même plusieurs fois abandonner tellement j’avais à souffrir du soleil. Les quelques stations services et mosquées m’offraient un oasis salvateur pour remplir mes réservoirs d’eau, et les tunnels d’évacuation sous la route (où se cachait aussi serpents et scorpions d’après les dires des locaux) un refuge pour l’après-midi où je peinais à dormir tant il faisait chaud. Les mosquées sont très souvent équipées de filtre à eau fraîche : j’en ai parfois presque fait dans mon pantalon en apercevant ces robinets!

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Vues les difficultés endurées, la question à mille francs était de savoir s’il fallait mieux manquer de sommeil en pédalant tôt le matin et tard le soir, ou mieux dormir et rouler plus longtemps sous la chaleur. Comme souvent dans de nouvelles conditions on met 4-5 jours à trouver son rythme. Le mien était alors de faire 50-60km le matin de 6h à 10h puis de recommencer vers 18-19h pendant 30-40km.

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Si j’ai eu à souffrir de la chaleur, j’ai aussi bénéficié de la pitié/bonté/hospitalité des locaux qui n’ont cessé de s’arrêter pour m’offrir de l’eau fraîche, des dattes, des fruits, des sodas, des gateaux, etc. Parfois presque de force quand mes sacoches étaient déjà pleines. On me proposait parfois de l’argent, ce que je refusais. Les Omanais (puis les Émirati par la suite) sont très polis, extrêmement généreux et cette gentillesse se reflète aussi dans les nombreuses populations immigrées du pays : Indiens, Philippins, Pakistanais. Perdu au milieu des étendus de sable, cela a un côté rassurant : on sait qu’en cas de problème on ne nous laissera pas crever au bord de la route.

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Les locaux sont souvent habillés en tenue traditionnelle. Les hommes portent le qamis (une grande robe généralement blanche) avec un keffieh sur la tête tandis que les femmes arborent une longue robe surmontée d’un hijab (voile couvrant juste la tête) ou d’un niqab (voile couvrant le visage, sauf les yeux). La burqa est le stade d’après, avec la grille devant les yeux, mais je n’en ai pas vu. Comme disait Henry Ford, les consommatrices peuvent choisir la couleur qu’elles veulent du moment qu’elles choisissent le noir… Au final, la seule différence entre hommes et femmes réside souvent sur le simple voile devant le visage, mais sinon, les deux sont tout aussi contraignants. D’ailleurs je n’ai pas ressenti que les femmes étaient particulièrement malheureuses dans ces pays. On les voit souvent maquillées, leurs robes sont même parfois assez sexy, et s’il y a bien des statuts sociaux très distincts entre hommes et femmes, les couples se comportent pour la plupart normalement. Je ne dis pas que c’est enviable mais c’est loin d’être l’enfer qu’on nous décrit souvent.

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Je suis finalement arrivé à Muscat après dix jours de désert et je troquais un peu de chaleur et de vent contre beaucoup trop d’humidité, ce qui me fit passer des nuits assez pénibles, à suer comme un cochon à l’extérieur de la tente, me battant à la fois entre la chaleur, les moustiques et les puces des sables. Je m’installais souvent assez près de la route pour pouvoir bénéficier du vent des voitures et ne pas trop transpirer, et parfois à même le béton pour éviter l’humidité. Dans le genre clodo, c’est première. Après quelques nuits de ce genre, on est suffisamment fatigué pour ne plus en souffrir. Quand je pense que certains se plaignent que je ronfle dans les dortoirs… huit jours sous une benne, y a que ça de vrai!

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À cause de la chaleur, je n’ai pas pu pleinement profiter de ce que le pays avait à offrir et j’ai souvent fait au plus vite pour arriver chez mon ami au Qatar, mais ce que j’ai pu en voir mérite un autre séjour en Oman, plus long et dans de meilleures conditions. Leurs mosquées, leurs bâtiments sont souvent superbes, les paysages de montagne rocailleuse très originaux. Et les locaux incroyables. Comme je roulais en période de ramadan, on m’offrait souvent beaucoup de nourriture autour de 17-18h, avant qu’ils ne s’arrêtent tous sur le bord de la route pour rompre le jeûne à 19h à l’appel lancé depuis les minarets. C’était d’ailleurs un moment assez magique de se retrouver quasi seul sur la route, à entendre les chants des nombreux muezzins tout en saluant les musulmans en train de casser la croûte. Finalement, je suis assez pour qu’on en construise en France. Les églises sonnent déjà cinquante fois par jour, on peut bien rajouter cinq chants là-dessus.

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Je filais ensuite en direction des Émirats-Arabes-Unis, un autre petit morceau du golfe arabique que je n’imaginais pas tellement différent de l’Oman. Les gens en tout cas, étaient toujours aussi généraux, exceptés les bourriques en uniformes qui m’ont quasi tous cherché des noises. Ma journée à Dubai en est l’illustration parfaite : après m’être fait à moitié virer d’un centre commercial parce que j’étais trop sale, la police m’arrêtait vers 19h, soit disant parce que je n’avais pas le droit de faire du vélo dans les Émirats, puis parce que je ne savais pas où dormir. Et ça, au pays des Ferrari, c’est super louche. Bref, ils me garderont trois heures avant que je ne puisse sortir du poste de police à 22h. Ma première réaction a été « C’est tout?!« , comme si j’espérais avoir au moins mérité une nuit en cellule au bout de trois heures. Merci messieurs.
Dubai ne m’a pas impressionné. Ou tout du moins pas envouté. Oui les buildings sont jolis, ils ont réussi à créer quelques beaux trucs (ils ont même les pistes de ski dans le centre commercial) mais je n’ai rien ressenti, il n’y a pas d’âme comme dans les mégalopoles américaines par exemple. C’est trop organisé, trop propre, trop moderne partout, trop espacé. L’ensemble m’a plutôt déçu. Du coup, après mon éphémère arrestation, hors de question de rester là-bas plus de deux jours, et je finissais par filer au Qatar en avion puisque l’Arabie Saoudite a refusé mon visa de transit (il y a 60km à traverser chez eux pour aller au Qatar en vélo depuis les Émirats…) dans trois ambassades différentes.

Le Qatar, et Doha, où je dois désormais attendre un autre visa, l’iranien. Mais cette fois, je ne suis ni à la rue, ni sale puisque je suis hébergé chez un copain qui y travaille : un vrai lit, la clim, la piscine, une cuisine, des invitations au restaurant, baby-foot et playstation. On m’a même accueilli avec des bières belges et du fromage… L’import d’alcool et de porc est strictement interdit dans le pays mais un magasin en périphérie de la ville, à côté de la police religieuse, permet de s’en procurer pour peu qu’on possède un permis comme celui-ci :

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J’ai donc profité d’un intermède de luxe avant de repartir plus loin en Asie centrale, via l’Iran où les températures ne sont pas plus clémentes qu’ici : 74˚C ressentis à l’heure où j’écris ces lignes.

J’ai trouvé Doha beaucoup plus réussie architecturalement (je parle du quartier des affaires) que Dubai. En revanche, je n’ai pas réussi à prendre une photo sans grue…
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Et comme on ne m’a jamais offert autant de trucs dans tout le voyage que dans les pays du Golfe, je me suis amusé à faire une petite liste, jour par jour de ce qu’on m’a donné (eux, en contrepartie, demandaient souvent à me prendre en photo) :

-2 juillet : arrivée à l’aéroport de Salalah, après 5 minutes on me tend un sac plastique avec de l’eau et du lait frais, des gâteaux, des fruits.
-3 juillet : deux voitures s’arrêtent pendant que je mange pour savoir si je veux quelque chose, je refuse car je suis plein.
-4 juillet : des ouvriers Indiens me donnent de l’eau fraîche. Une familles omanaise me donne des dattes, du pain, du fromage à tartiner, de l’eau fraîche. Je refuse l’argent qu’ils me proposent.
-5 juillet : un camionneur m’offre de l’eau et le frais de sa cabine pour 10 minutes.
6 juillet : rien mais j’ai peu roulé.
-7 juillet : une première voiture omanaise me donne de l’eau, des gâteaux, du jus d’orange et je refuse l’argent. Une deuxième voiture omanaise me donne des dattes et de l’eau pour laver les dattes. J’ai bu l’eau et mangé les dattes avec le sable. Un peu plus, un peu moins… Une troisième voiture omanaise me donne de l’eau.
-8 juillet : une voiture s’arrête le matin mais j’ai tout ce qu’il me faut. Des chauffeurs me proposent de mettre le vélo dans le camion, je refuse (j’ai pas traversé la moitié du désert pour lâcher maintenant). Vers 18h, trois jeunes omanais en voiture m’offrent de l’eau, du lait, des donuts, des cakes et un keffieh que je porterai ensuite (parfait pour la chaleur).
-9 juillet : un camionneur pakistanais m’offre 3 litres d’eau. D’autres voitures s’arrêtent pour prendre des photos mais j’ai tout ce qu’il me faut. Dans l’après-midi, alors que je me repose, les ouvrier Indiens m’offrent de l’eau, du coca, des samosas et divers trucs indiens frits. En partant, ils m’offrent encore des beignets frits. Au coucher du soleil, une première voiture fait demi-tour : je refuse, je suis plein mais il insiste tellement que je dois prendre les sodas et les jus de fruits de peur de le vexer. Une deuxième voiture fait demi-tour pour m’offrir une assiette pleine de quartiers d’orange. Vers 19h, deux types rompent le jeûne assis dans le désert et m’invitent à manger avec eux. Je partage mon excès de bouffe aussi mais je repars avec plus qu’en arrivant : jus de fruits, laban (sorte de lait fermenté), quelques gâteaux.
-10 juillet : Deux voitures dont la police s’arrête pour savoir si j’ai besoin de quelque chose. Un Indien m’invite à choisir une boisson fraîche gratuitement dans son magasin.
-11 juillet : Un Omanais m’invite à dormir chez lui mais c’est le matin… Le soir, je me fais virer de l’autoroute pour une heure car le convoi du sultan Qaboos va passer. Presque pour s’excuser du désagrément, des Omanais m’offrent des raisins et du laban. Après le convoi, je vois des flics sur le bord de la route qui m’arrêtent pour me donner du lait, de l’eau, et beaucoup de nourriture.
-12/13/14 juillet : on me parle beaucoup mais on ne m’offre rien : je suis à Muscat, la capitale.
-15 juillet : cinq voitures s’arrêtent pour savoir si j’ai un problème et si j’ai besoin de quelque chose pendant que je fais la sieste à l’ombre d’un arbre.
-16 juillet : les flics s’arrêtent pour savoir si je veux de l’eau. On checke mon passeport au passage. Le soir, un type m’aide à trouver mon chemin avec son van, veut me donner de l’eau avant de me saouler 10 minutes avec Allah et l’Islam. Ça sera le seul à faire ça de tout mon séjour.
-17 juillet : on m’offre du dessert omanais alors que je suis en train de cuisiner sur un trottoir. Tard le soir, un Omanais s’arrête et m’invite à boire un coup chez lui. Je refuse les fruits, j’en ai déjà plein.
-18 juillet : je dors à la frontière où les officiels me font porter trois assiettes de sandwichs, des fruits, de l’eau, du thé, du jus de fruit au cours de la nuit et le lendemain matin. C’est l’Eid Mubarak aujourd’hui, une des fêtes les plus importantes pour l’Islam.
-19 juillet : un Émirati s’arrête pour savoir si je vais bien puis me tend 200 dirhams (environ 50$). Bon, là… j’ai accepté. Dans une station service, un autre type me met 10 dirhams dans la main par surprise. Puis un Philippin m’offre de l’eau, un snicker, des sandwichs.
-20 juillet : devant un centre commercial, des employés philippins m’offrent de l’eau et veulent aller m’acheter de la nourriture au supermarché, je refuse.
-21 juillet : un Australien s’arrête comme un sauvage sur l’autoroute pour savoir si je vais bien et si j’ai besoin de quelque chose. Le soir, un Philippin de la veille m’invite à dormir chez lui. En allant chez lui, je crève devant un supermarché où un Philippin me propose de m’acheter de la nourriture, ce que je refuse. Puis 30 secondes plus tard, un Indonésien me tend un sac plein de fruits, snacks, eau. Je refuse d’abord mais il l’a acheté exprès pour moi. Sa femme s’excuse de s’immiscer dans ma vie comme ça… Je dors chez le Philippin où on m’offre à manger le soir et le matin.
-22 juillet : je suis installé chez mon pote comme un roi au Qatar. J’ai du Pastis, de la Leffe brune et de la Chimay, je suis sain et sauf.