À la découverte de l’Afrique

J’arrive à Johannesburg à 6h00 du matin après deux retards successifs à New York et Dubai. Pas le temps de gamberger, je déplie le vélo et sors de l’aéroport sans trop savoir où je suis, et des pesos colombiens plein les poches que personne n’a voulu me changer. Je sais simplement que je veux me diriger à l’Est. Coup de pot, l’aéroport est du bon côté et je m’enfile donc directement sur l’autoroute sans réfléchir, ce qui m’évite de traverser une ville plus célèbre pour ses carjackings au magnum et les tours/safaris dans Soweto que pour le charme de ses ruelles.

La route est d’abord sans intérêt et d’un banal à faire blêmir une méduse. Quelques propriétés barbelées et des débuts de bidonvilles me rappellent où je suis et me sortent de la torpeur où mes deux heures de sommeil me glissaient petit à petit. Mon premier vrai contact avec la population se fait au supermarché, car il fallait que je récupère le peu de victuailles que les douanes m’avaient confisquées. Je découvre rapidement que les gens n’arrêtent pas de déconner ici, bien loin de l’image qu’on peut en avoir de l’étranger. Pour le moment, ceux qui me parlent ont tous la banane bien que je découvre quelques visages fermés ou inamicaux au détour d’un quartier moins fréquenté.

Après une petite sieste vitale de deux heures dans un champ, voilà qu’un premier policier m’arrête pour me signaler que l’autoroute n’est pas faite pour les vélos.
-Vous voyez des gens sur l’autoroute ici?
-Euh… oui. Plein. Regardez, là!
-Oui bon bref, c’est interdit donc vous prenez la 4ème sortie pour rejoindre la route qu’il vous faut et c’est marre.

La quatrième sortie débouche directement sur un township bondé. Il rêve éveillé l’argousin, je vais pas là-dedans pour mon premier jour en Afrique du sud, ma bande d’arrêt d’urgence me convient parfaitement. Il m’escortera si ça l’amuse mais je ne bouge pas d’ici.
J’ai beau m’éloigner de la ville, la densité de marcheurs/autostoppeurs le long de la route reste constante, pas moyen de trouver un coin isolé. Je m’enfourgue donc rapidement dans un champ de maïs, décapite trois plans et y passe une nuit paisible à l’abri des regards indiscrets.

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Au petit matin, alors que je chargeais mes affaires sur mon véhicule à l’entrée du champ, un black en salopette bleue se pointe. Je me dis que c’est ou ouvrier du champ et qu’on va discuter tranquillement. Il entame les démarches :

-Qui t’es? Tu fais quoi? Donne moi de l’argent!
-De l’argent, pourquoi?
-Parce que t’es trop riche!

Ah, ça sent le faisant là.

-« Moi trop riche? Mais non regarde, je dors dans les champs. C’est ton champ? »
-« Securit’! Give me money »
-« Non, de toute façon je dois y aller »
-« Don’t move! »
, me dit-il en relâchant la courroie qu’il tient dans la main et en appelant je ne sais qui de l’autre avec son portable.

Un type, je peux gérer, il peut éventuellement me faire mal mais il n’arrivera pas à me maîtriser avec sa pauvre courroie. Et j’ai aussi quelques arguments matériel. Par contre s’il fait rappliquer ses potes, je ne me sens pas l’âme d’un Jet Li. Le dialogue de sourd dure quelques secondes de plus jusqu’à ce que j’attrape ma chaise pliante pour la ranger. Sur ce, mon créancier prend peur (de ma chaise?) et s’enfuit en courant téléphone à l’oreille. Ni une ni deux, je cours sur l’autoroute profitant d’une si belle occasion. Première matinée en Afrique, ça promet. À mon avis c’était un ouvrier du champ qui a tenté sa chance car je verrai beaucoup d’autres salopettes bleues par la suite mais je ne tiens pas vraiment à le savoir.

Les jours suivants me rassureront progressivement. Les habitants devenaient de plus en plus sympathiques au fur et à mesure que je m’engouffrais en direction de Nelspruit et de la « Panorama Road ». Les blancs me demandaient si je n’étais pas effrayé du taux de crimes élevé tandis que les blacks me parlaient plutôt des serpents que je risquais de rencontrer dans mes soirées camping. Mais en pleine campagne, je ne voyais ni serpents, ni malfaisants, alors je rassurais régulièrement tout le monde d’un sourire.

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Sur la route après Graskop, les paysages de toute beauté qui se succédaient pendant plusieurs jours, et, couplés aux discussions toujours drôles que j’avais avec les locaux, j’en oubliais complètement la réputation du pays. Je me cachais toujours pour dormir mais c’était presque plus par habitude que par réelle crainte. La route que j’empruntais surplombait une immense plaine que l’on apercevait par intermittence. Sur quelques kilomètres, The Pinnacle, God’s window ou encore Three Roundavelts m’offraient certains des plus beaux paysages de mon voyage. On m’a dit que la région de Cape Town était encore plus belle, il faudra donc que je revienne vérifier. J’étais en plein rêve, l’Afrique était paradisiaque et ne ressemblait en rien à tout ce que j’imaginais avant d’y poser mes roues. Mes journées devenaient même de plus en plus longues à cause des discussions hilarantes que j’avais avec les locaux.

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Puis j’arrivais à Burgersfort, petite ville que j’avais pointée sur ma carte comme prochain lieu de ravitaillement. Un sentiment mitigé m’envahissait dès l’entrée de la ville. J’avais bien vu le supermarché Spar, mais l’ambiance qui régnait devant ne me plaisait guère et je ne m’arrêtais donc pas. Pas de sourires, on répondait à mes saluts par des gestes dédaigneux de la tête (vous savez, ce mouvement de bas en haut comme pour dire « ouais, t’es qui toi?!« ). Je fais le plein d’eau à la station service et les employés du car cash m’interpellent, ils s’inquiètent pour moi. « Don’t sleep in the bush, here people kill other people. You should stay at the next garage tonight. Etc. » Il est 14h30, si je dors au garage dans 200m je suis pas bien plus avancé. J’aperçois des policiers, je vais donc leur quémander un avis objectif. C’est à peine s’ils me considèrent. « Mouais, c’est OK tu peux y aller » Je sais bien que je peux y aller gros malin, je veux savoir si je vais en sortir surtout. Toujours pas vu un autre blanc dans le coin. Bon, j’y vais, je n’aime pas cet endroit et je veux partir vite, pensant quitter la ville en 10 minutes. J’essaye de saluer le plus de monde possible et très peu me répondent, jusqu’à ce que certains commencent à me gueuler des trucs en dialecte local. Je ne sais pas trop si c’est hostile ou non même si le ton laisse peu de place au doute. Je souris tout de même bêtement pour les détendre. « Fuck off! » « Leave! Leave! » Ah, ça c’est hostile. Je le sens de moins en moins, la ville ne s’arrête jamais et grimpe légèrement sur 20km, j’en peux plus et je m’attends à voir surgir un type avec une machette pour me tailler en pièces pendant plus d’une heure.

Puis les maisons se dispersent un peu, les esprits semblent plus calmes et certaines voitures s’arrêtent désormais pour savoir ce que je fais là, mais gentiment. Au coucher du soleil, je trouve finalement refuge chez Harry, un ingénieur électricien de la mine de platine. Il m’offre un coin de son jardin pour la nuit et part dans un fou rire à chaque fois que je lui explique comment je vis.

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Au petit matin, à la sortie d’un bain salvateur, sa femme prit pitié de moi et mon unique chemise mouillée en m’en offrant une de son mari. On me confirme également une première fois (d’autres suivront plus tard) que Burgerfort n’est définitivement pas un coin recommandable pour un blanc-bec en vélo. Le mauvais endroit donc. Outre les grandes agglomérations, il existe donc quelques îlots à éviter en Afrique du Sud. Après cet épisode, j’ai demandé aux gardiens blacks d’une mine qui m’hébergeront pour la nuit s’il existait encore des tensions raciales en Afrique du Sud. Ils en rigolent presque. Pour eux « c’est du passé, mais on ne peut pas empêcher quelques imbéciles d’exister. »

La suite de la route vers Mokopane puis à la frontière Botswanienne est des plus tranquilles, quelques animaux de safaris font leur apparition au loin dans les réserves et les Sud-Africains ont tous retrouvé le sourire. Il est pas beau celui de Georges?

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On insiste pour me filer de l’herbe à fumer dont je ne veux pas, et surtout, ils se foutent de ma façon de voyager. Je suis complètement con pour eux. Ils ne comprennent pas. « Mais pourquoi tu t’infliges ça? » est une question récurrente. « On te paye pour ça? Non? » Ou alors « Tu vas en Ethiopie? Avec ce vélo? Tu mens! » . Parfois j’indique simplement que je me rends à la prochaine ville et que je repars en France pour abréger. Autrement, s’en suivent systématiquement des dialogues hilarants de 20 minutes où un attroupement se forme autour de moi pour parler de mon périple, où ils interpellent des automobilistes inconnus pour les prévenir. Automobilistes qui s’arrêtent à leur tour au milieu de la voie pour poser des questions. Ça klaxonne derrière mais personne ne bouge sans au moins connaître ma destination finale, d’où je viens et pourquoi je fais ça. Question à laquelle il est parfois plus ardue de répondre qu’on pourrait le penser.

La route jusqu’à la frontière du Botswana est infiniment droite et plate. Plus aride aussi. Ça ressemble à l’Afrique qu’on voit dans les reportages animaliers. Je rencontre beaucoup de blancs qui s’en vont en Safari et qui m’apprendront que mon chemin au Botswana comprend une portion de 300km avec des lions et des éléphants en liberté. Des lions?! Mais c’est dangereux ça! « Ah oui mais les éléphants encore plus. Si tu restes sur la route tu devrais être OK. » Je devrais, l’emploi du conditionnel est admirable.

Le voyage en vélo semble être un concept encore peu répandu en Afrique du Sud (en comparaison à l’Amérique latine par exemple) et les réactions des gens me laissaient presque penser que j’étais le seul cycliste du pays, ce qui m’étonnait un peu. Jusqu’à ce qu’on me signale un matin que mon ami était passé 20 minutes avant moi. Mon ami? Un type en vélo? Faut que je le rattrape! Après une vingtaine de kilomètres au galop, je rattrapais Eelco, un Sud-Africain de 65 ans qui voyage en vélo de Cape Town jusqu’aux chutes Victoria. Il a déjà fait la route il y a 30 ou 40 ans et connait quelques coins où dormir à peu près en sécurité sur la route des lions. Eh bien voilà des infos qui datent un peu mais qui valent de l’or 50km avant de passer la frontière.

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L’Afrique du Sud a été une très bonne découverte. J’en étais un peu effrayé avant d’arriver et j’ai découvert un pays magnifique aussi bien pour ses habitants que ses panoramas incroyables. Oui, il existe encore quelques zones d’ombre, certains lieux à éviter, les nombreuses pubs pour les compagnies de sécurité en témoignent. Bien sûr, les infos mettront toujours plus l’accent sur ces zones que sur les points positifs du pays. Vous entendez beaucoup de bonnes nouvelles en écoutant les news? Bref, ferme ta TV et file découvrir l’Afrique du sud :

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