Escale à Jayapura

Tout juste débarqués au port de Jayapura en début de soirée, nous émergeons de la cohue des quais en vue d’un hôtel. Mais nous avons trop tardé. Préférant comme d’habitude laisser descendre les plus excités en premier, nous nous sommes faits choper tous les lits bon marché en ville et devons nous rendre à l’évidence : ce soir, ce sera camping.
Seulement, la ville étant cernée de collines à l’allure nocturne plutôt incertaine, les coins où poser la tente sans risque de se faire visiter en pleine nuit ne sont pas légion. À l’approche d’un camp militaire notre demande d’un coin de pelouse pour planter quatre piquets échoue, la responsabilité d’un troufion-gardien étant ce qu’elle est, et nous nous réfugions de l’autre côté de la route, cachés derrière une immense pub pour le recrutement de l’armée.

Le lendemain, samedi, l’objectif est de changer nos rupiahs en kinas (la monnaie en Papouasie-Nouvelle-Guinée), expédier notre surplus de bagages en Australie en poste restante et de se faire tamponner nos passeports avant de nous rendre à la frontière (c’est la règle pour cette frontière uniquement). Manque de pot, pas moyen de trouver une banque ou un bureau de change ouvert le samedi et le bureau de l’immigration est fermé le week-end. Quant à la poste, ils n’envoient pas de Jayapura en Australie par voie maritime. C’est bien un port, des bateaux partent chargés de containers mais la poste n’effectue pas de colis par la mer pour l’Australie. Un transfert par Jakarta? Vous n’y pensez pas malheureux. Pour l’Australie c’est l’avion et à des tarots hallucinants. Pas de doutes, c’est bien marqué La Poste ici aussi. Nous voilà bon pour nous coltiner des kilos superflus sur les pistes papoues…

La baie de Jayapura, ses containers, ses bateaux, son port… que La Poste n’utilise pas.

Cela fait déjà quelques heures que nous tournons dans la ville, quand nous trouvons enfin la perle rare, la banque ouverte le week-end, jusqu’à 16h00. Il est 16h10… Les employés nous indiquent de revenir le lendemain 9h00.
Pas plus de chance pour faire des provisions en vue de la PNG, le seul supermarché digne de ce nom vient d’ouvrir et son affluence est proche d’un samedi après-midi en période de rentrée scolaire, le tout assaisonné d’une caissière fraîchement embauchée. Je craque en caisse après un quart d’heure, un mètre de progression, cinq en attente.

Dans l’impossibilité de partir, nous retentons notre chance auprès des hôtels. Sans plus de succès, nous retournons camper en face du camp militaire en espérant une journée plus glorieuse le lendemain.
Au petit matin, nous sommes gentiment délogés par quelques gradés qui ne semblent pas vraiment goûter à notre présence sous leurs couleurs. Sans rancune, ils acceptent de prendre la pose en souvenir.

En ville, l’espoir renaît quand nous tombons sur un employé de l’immigration qui nous promet que nous pouvons aller à la frontière ce week-end sans tampon puisqu’eux sont fermés.
Mais la banque sensée être ouverte ne l’est pas. Nous effectuons même la tournée des hôtels mais aucun ne changent de kinas. Bref, nous sommes bon pour rester encore ce soir et notre seul coin camping étant désormais verboten, il nous faut trouver un hôtel. Rien de nouveau sous le ciel de la chance, tout est complet dans le cheap, ce sera l’Amabelle à 30€ la nuit pour deux (soit trois fois un prix habituel de routard en Indonésie).

Allez lundi, normalement ce coup là, tout fonctionne sur des roulettes. Et cette fois, on sent bon, la douche est passée par là. Le bureau de l’immigration refuse de nous apposer les tampons de sortie car notre visa indonésien n’a pas été fait à une frontière. C’est la règle, finalement nous n’avons pas besoin de tampon. Et si vous aussi vous pouvez bien vous demander ce que ça change, posez leur la question par courrier (gare à Pos Indonesia!).
Direction les guichets de banque où même Bank Papua ne change pas de kinas et ceux prétendant changer en dollars australiens n’en possèdent pas. On rêve… Il faudra nous rendre 10km en direction de la frontière, à Entrop, dans un petit bureau de change ouvert le week-end et qui lui, change bien les kinas.

Et si le taux n’est pas sur le tableau, le patron le fixe à la volée depuis son fauteuil!

Donc le change était ouvert ici, nous n’avions pas besoin de tampon et la poste n’expédie pas par la mer. Oublions vite que nous avons perdu 2 jours pour rien dans la ville…
Vue l’heure il nous reste 4h pour rouler soixante kilomètres et arriver avant la fermeture de la frontière. En temps normal et sur route normale, c’est rapidement plié. En montagne, sous un cagnard équatorien, on pousse le vélo à la fin des côtes, on chope des crampes, on maudit la poste et on arrive une demie-heure après la fermeture…

Heureusement sur place, nous trouvons des militaires tous heureux de nous accueillir dans leur camp pour la nuit, nous payer à manger, discuter, jouer aux cartes et commencer à causer de notre prochaine destination avec quelques papous habitant sur place.
Nous retenons principalement que les habitants de PNG sont très serviables, amicaux mais que le pays reste dangereux.

Lendemain matin, séance photo avec les militaires puis sortie d’Indonésie où les douaniers font semblant de réfléchir à notre cas alors qu’ils savent pertinemment qu’ils nous ont déjà tamponné la veille à la demande des militaires… La fierté du douanier de démontrer son pouvoir de nuisance nous étonnera toujours.
La frontière papoue est à la hauteur de nos espérances : nous passons presque par le trou d’un grillage pour atteindre un poste frontière en bois. Quelques minutes plus tard, nous voilà sur les routes papou, à la découverte d’un pays coupé du monde et, point très positif pour un voyageur de nos jours, quasiment inconnu.